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Louis XVI montait à peine sur le trône, quand l'enfant qui devait un jour porter le nom de duc de Raguse, vint au monde. Dans quelle stupeur n'auraient pas été jetés ceux qui assistèrent à sa naissance, si, devant son berceau, une voix prophétique leur eût révélé son étrange destinée; s'il leur eût été annoncé que lorsque cet enfant aurait atteint quinze ans, l'antique monarchie s'écroulerait, et que, soldat d'une république, l'adolescent servirait sous les ordres d'un commandant qui devait être son empereur et le faire maréchal de France; que vingt ans après il se séparerait de son glorieux maître pour devenir le capitaine des gardes d'un frère de Louis XVI remontant au trône de sa race, et encore que quinze années plus tard une seconde révolution, qu'il serait chargé de combattre, briserait son épée, et le jetant dans l'exil, lui donnerait le triste loisir de parcourir le monde, et de revoir, à trente-six ans de distance, le théâtre le plus lointain de ses travaux guerriers, le Nil, les Pyramides et le désert ! La destinée ! que veut dire ce mot ? de quelle idée, de quel fait est-il le signe ? Le monde a-t-il une destinée décrétée et prévue d'avance par celui qui l'a créé ? Nous le pensons. Mais l'homme a-t-il été comme le monde l'objet de l'attention divine ? Voilà ce que se demandent avec inquiétude l'orgueil et la sensibilité de chacun...
... Il est un homme qui pleurait au nom de Fénélon, et, dans son enthousiasme, se fût à peine estimé digne d'être son valet. Rousseau sentait tout ce qu'il y avait eu de hardiesse sublime dans l'homme que Louis XIV appelait l'esprit le plus chimérique de son royaume, tout ce que cette âme si religieuse et si tendre dut nourrir d'amertume et de douleur; car le prêtre catholique pouvait s'écrier, comme le Genevois: Barbarus his ego sum, quia non intelligor illis. Au moment d'apprécier l'auteur du Contrat Social, je dois au lecteur un aveu. Uniquement livré à l'étude de Montesquieu, de Vico, de Grotius, de l'école historique, sous le charme exclusif de cette vaste impartialité qui épuise toutes ses forces à juger le passé, et n'en a plus pour aller à l'avenir, quand je rencontrai un philosophe qui écrivait dans la patrie et la langue de Descartes: L'homme qui pense est un animal dépravé; qui disait encore: Tout est bien sortant des mains de l'auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l'homme; qui mettait l'état normal du genre humain dans la vie sauvage, et le mal dans la sociabilité; je l'avouerai, ne comprenant pas comment Rousseau avait été amené à parler ainsi, comment et pourquoi il l'avait dû, j'eus le malheur de dédaigner et de condamner son génie. Cependant, entre lui et moi, ce n'était pas lui qui pouvait avoir tort. Il fallait bien qu'en m'acharnant à l'étude de cet homme, je lui trouvasse un sens, une signification. Effectivement, j'ai pu dissiper l'erreur de ce premier jugement, arriver à comprendre le génie de Rousseau, à le chérir et à bénir son influence...
... Les Allemands nous avaient appelés des petits-maîtres; nous leur ripostâmes par le gros mot de barbares: on se renvoyait les excommunications. Il se trouva un moment que les paroles prononcées par Montaigne et Pascal sur la justice et le droit purent s'appliquer à la poésie: Plaisante poésie, qu'une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. Néanmoins le temps, la réflexion, l'initiative prise avec tact et courage par quelques esprits, firent comprendre qu'avec une telle intolérance on se privait de part et d'autre de plaisirs piquants et légitimes. D'un commun accord, les barrières furent levées: la poésie allemande entra en France, les livres français passèrent le Rhin. Les deux peuples se lurent, s'adressèrent des compliments et des critiques; enfin aujourd'hui les deux nationalités de Klopstock et de Corneille sont et doivent rester des différences, mais elles ne sont plus des incompatibilités...
Si dans un petit état de la Grèce, un homme se proposait d'écrire l'histoire de sa patrie, l'entreprise, quoique laborieuse, avait des limites qui la définissaient clairement et promettaient une exécution simple, sans épuiser trop de temps et trop de forces. La cité de l'écrivain possédant une plate reconnue et distincte dans l'économie de la confédération hellénique, il n'avait à s'inquiéter que de conter l'histoire publique de cette cité, les évènements heureux ou funestes, déposés dans la mémoire des vieillards, les guerres et les factions: il était facilement artiste. Au contraire, le plus petit des états modernes a une histoire infinie qui s'est compliquée tant par les rapports domestiques que par les rapports universels avec l'humanité même, et l'historien, au milieu de ce concours d'éléments divers, devient et reste difficilement artiste. En relisant Tacite, à l'occasion de l'excellent et nouveau travail de M. Burnouf, dont nous allons parler tout à l'heure avec quelques détails, nous avons été frappé combien cet homme vient se placer avec une admirable force entre l'histoire antique et l'histoire moderne, participe de toutes deux, posant sa statue et ses oeuvres entre deux mondes, et semblant vouloir donner le temps aux modernes, aux Italiens et aux Gaulois, à Machiavel et à Montesquieu, d'arriver...
L'étude des hérésies est un des spectacles les plus instructifs que puisse présenter à l'esprit l'histoire morale de l'humanité. On y voit les efforts de la pensée humaine, ses résistances, ses révoltes; on la suit dans ses détours les plus ingénieux, dans ses écarts les plus singuliers. Si l'on n'a pas exploré les opinions des hérésiarques dont les doctrines et le nom sont venus jusqu'à nous, on ne connaît pas toutes les ressources de la sophistique et de l'imagination humaine. Une religion ne saurait prévaloir qu'en établissant son triomphe sur la ruine de quelques grandes opinions qui régnaient sur les hommes avant sa venue. Elle les opprime, elle les absorbe, et pendant un moment ces opinions sont non-seulement vaincues, mais semblent anéanties. Illusion: elles survivent d'une façon latente, mais indestructible. Rien de ce qui a des racines profondes dans la nature humaine ne périt, ne disparaît sans retour, et la moitié de l'histoire religieuse et philosophique est remplie par les résurrections de ce qu'on avait pu croire un instant enseveli dans un irrévocable néant...
... Il n'est pas fort surprenant qu'au sein de l'éclectisme on n'ait songé à Descartes qu'après avoir étudié Reid et Kant. Dans les premiers moments de la réaction contre Condillac, on manquait de la force nécessaire pour atteindre jusqu'au cartésianisme, et ce ne fut qu'un peu plus tard qu'on put sentir la valeur du spiritualisme du XVIIe siècle. En 1824, M. Cousin commença de publier une édition complète de Descartes. Depuis cette époque, Descartes a été l'objet d'une attention persévérante de la part de tous ceux qui font de la philosophie une sérieuse étude. Sur ce point, il y a eu abondance d'analyses, d'expositions, d'appréciations partielles, de jugements généraux. Enfin, il y a deux ans, l'Académie des Sciences morales, où domine l'éclectisme, mit la question du cartésianisme au concours. Elle demanda qu'on déterminât le caractère et qu'on recherchât les conséquences de la philosophie de Descartes, qu'on appréciât particulièrement l'influence de ce système sur celui de Spinoza et celui de Malebranche, qu'on assignât le rôle et la place de Leibnitz dans le mouvement cartésien, enfin qu'on fît la part des erreurs et des vérités dans ce glorieux héritage...
Les prospérités du catholicisme ne sont pas sans mélange, ou du moins elles ne le satisfont pas entièrement. Sans doute, quand il considère de quelle chute profonde il s'est relevé en France, il y a quarante ans, il peut se féliciter d'un pareil retour de fortune. Les autels rétablis après une éversion sacrilège, la religion reconnue nécessaire à l'ordre social après avoir été proscrite par l'exaltation révolutionnaire à titre d'imposture et de folie, sont d'éclatants témoignages en faveur de l'église et de la force qu'elle a conservée. Néanmoins l'église aujourd'hui ne paraît pas contente. Dans ses rapports avec l'état, on la voit inquiète: elle n'a pas cette sérénité d'une grande puissance qui jouit avec calme de sa part légitimé d'influence et d'autorité. Elle s'agite, elle se plaint, et plusieurs en son nom s'élèvent contre l'esprit de notre siècle avec un ton plein d'aigreur. Pourquoi ? C'est qu'en dépit de la situation honorable qu'ont faite à l'église les divers gouvernements qui se sont succédé depuis le concordat conclu entre Napoléon et Pie VII, l'église ne peut se défendre de regrets douloureux en songeant à tout ce qu'elle a perdu...
Philosophie du Droit est un livre �����crit en 1835 par Eugene Lerminier, un juriste et philosophe fran�����ais. Ce livre explore les questions philosophiques et th�����oriques li�����es au droit, en examinant les fondements et les principes qui sous-tendent les syst�����mes juridiques. Lerminier aborde des sujets tels que la nature du droit, la justice, la libert�����, la propri�����t����� et les droits individuels. Il examine �����galement les diff�����rentes �����coles de pens�����e en philosophie du droit, notamment le positivisme juridique et le naturalisme juridique. Philosophie du Droit est consid�����r����� comme une �����uvre majeure dans le domaine de la philosophie juridique et a influenc����� de nombreux penseurs et juristes depuis sa publication.This Book Is In French.This scarce antiquarian book is a facsimile reprint of the old original and may contain some imperfections such as library marks and notations. Because we believe this work is culturally important, we have made it available as part of our commitment for protecting, preserving, and promoting the world's literature in affordable, high quality, modern editions, that are true to their original work.
Nous sommes loin, plus encore par nos moeurs que par la chronologie, du temps ou Louis XIV s'irritait qu'un faiseur de tragédies eût rédigé un mémoire sur une question politique. Personne aujourd'hui, ni roi, ni peuple, ne s'étonne ou se fâche de voir les poètes dédaigner la lyre pour la tribune. Cette ambition politique dans des hommes qui se sont illustrés par la poésie est-elle un bien ? est-elle un mal ? Nous n'avons aucune envie de disserter sur une pareille thèse; nous aimons mieux observer les faits à mesure qu'ils se produisent. Quand un poète célèbre entreprend de devenir publiciste, orateur politique, il est opportun de l'apprécier encore une fois, sur le seuil même de la carrière où il cherche une autre gloire. D'ailleurs, l'attitude nouvelle qu'il a prise appelle naturellement sur lui tous les regards. Son passé, son présent, sont interrogés pour qu'ils aient à donner la mesure de ses forces et de son avenir...
La mémoire des peuples n'est pas toujours active, elle a ses langueurs. Les événements les plus extraordinaires, les plus grandes catastrophes tombent souvent dans une sorte d'oubli pour ne retrouver que plus tard une notoriété impérissable. La France ne songeait guère à la révolution et à Louis XVI quand Napoléon la gouvernait. Quel abîme entre 93 et 1803 ! A peine le temps avait tourné la dernière page du XVIIIe siècle, que s'élevait une société oublieuse, ignorante du passé qui était le plus près d'elle. D'ailleurs, les émotions, les merveilles du présent, occupaient trop cette société nouvelle pour qu'elle donnât audience à des souvenirs inutiles, importuns, qui eussent pu rendre bien des fronts, et des plus hauts, soucieux et sombres. Avec nos revers, avec les destinées sédentaires que faisait à la France une paix qui la ramenait dans ses anciennes limites, le passé revint inévitablement sur la scène, évoqué surtout par des vaincus qui triomphaient à leur tour. Ces derniers parlèrent beaucoup de la révolution pour la maudire. Ils en représentèrent les sentiments, les principes et les actes comme autant de forfaits que la France devait expier, mêlant dans leurs accusations déclamatoires le bien et le mal, enveloppant dans les mêmes anathèmes des crimes détestables et les immortels efforts du patriotisme et du génie...
L'époque de la restauration est bien faite pour tenter le talent d'un véritable historien. Toutes les conditions que l'art de l'histoire peut exiger sont remplies. Dans un temps assez court se déroule une action immense. La scène s'ouvre par la chute répétée d'un héros, et Waterloo vient se placer entre les deux commencements de la restauration, qui se trouve ainsi avoir pour exorde les derniers moments de la plus haute puissance au faîte de laquelle la France ait jamais monté. C'est sur cette ruine que vient régner une antique race de rois; mais la ruine est vivante. Ceux qui après quinze années de défaites avaient enfin rencontré La victoire savaient bien tout ce qu'il y avait de ressources, d'avenir et de force dans ce peuple que la fortune abandonnait, et ç'a été la gloire de la France d'exciter encore l'envie, même dans l'abîme où elle était tombée. Aussi les puissances coalisées travaillèrent à élever contre la France de menaçantes barrières; elles la repoussèrent dans ses anciennes limites, qu'elles ne respectèrent pas même sur tous les points. Les peuples qui avaient été les alliés ou les sujets de l'empire français devinrent pour nous de redoutables gardiens, et l'on n'entendit plus sur les rives du Rhin, de l'Escaut et du Var que le qui vive ? des sentinelles étrangères...
Pendant que Machiavel cherchait dans l'antiquité des leçons de politique, la France produisait un homme destiné à jouer dans l'Europe moderne le rôle d'un législateur antique; c'était Calvin. Il ne s'agit pas ici de réminiscences et de théories dues à l'érudition; non, par la seule vertu de son caractère, Calvin se trouva un jour l'instituteur et le maître d'un peuple; le christianisme eut son Lycurgue. Comme dans la Grèce on appelait Platon le philosophe, l'Allemagne, par la bouche de Melanchton, appela Calvin le théologien. Ce n'était pas assez; la théologie ne constituait que la moitié de cet homme, qu'un ardent et implacable génie appelait à gouverner cruellement ses semblables pour les sauver...
La peinture des moeurs appartient à l'historien, au poète dramatique, au romancier. Le premier doit les saisir et les représenter au milieu des faits et des événements qui composent la vie d'une nation; les deux autres les encadrent dans une fable dont ils disposent, dans une action qu'ils inventent. L'histoire et la poésie sont les deux faces principales de la réalité et de l'art. Qui des deux demande le plus de génie ? Question oiseuse. Lorsque de grands esprits sont irrésistiblement entraînés vers l'une ou vers l'autre, ils déploient une puissance souveraine, et, remplissant toutes les conditions du genre qu'ils ont choisi, ils produisent ces oeuvres belles et pures dans lesquelles l'humanité contemple son image, comme dans une eau limpide. L'historien voit, le poète crée. Le premier s'empare de la réalité pour nous l'offrir toute vive et sans altération: ce qui le caractérise est D'intelligence. A la suite du second, nous entrons dans un monde qui est son ouvrage. La vie humaine nous y apparaît sous des traits nouveaux, saisissants: elle est revêtue pour ainsi dire d'une pénétrante lumière. C'est l'empire de l'idéal qui s'ouvre à l'imagination, pourvu qu'elle possède à un très haut point le double don de concevoir et de peindre...
Le Rhin, depuis Cologne jusqu'à Mayence, s'étend et se replie comme un serpent onduleux; il court, il vous entraîne au milieu des merveilles accumulées de la nature et de l'histoire, et il vous jette en Allemagne. La Germanie moderne offre au voyageur la même variété de peuples que la Grèce antique. Les contrastes affluaient dans cette Grèce étendant ses limites jusqu'à la chaîne de l'OEta et du Pinde, dessinant la presqu'île du Péloponèse, associant l'Attique, la Mégaride, la Béotie, la Phocide, et semant ses îles sur les mers. A Sparte, on parlait la même langue qu'à Athènes, mais la constitution et la république ne se ressemblaient pas; la Grèce du nord se comportait autrement que les villes de la mer Egée, et Thessaliotis avait d'autres règles, d'autres coutumes, que Délos. Cependant une vaste et profonde analogie de moeurs religieuses et nationales soutenait toutes les diversités qui s'agitaient à la superficie; la Grèce se sentit une vis-à-vis de l'Asie; la civilisation italique, plus rapprochée de la sienne, concourait néanmoins à lui affirmer à elle-même son originalité...
Le peuple, sous bien des rapports, dit un écrivain démocrate, le peuple au moins tel qu'on le fait ne sort guère de l'enfance. Il y a effectivement entre l'état moral de l'enfant et celui du peuple de frappantes analogies. Dans l'un et dans l'autre, la raison ne jette que des lueurs indécises et courtes; dans l'un et dans l'autre, l'esprit, comme un sol vierge, attend les impressions, les images et les idées qui en détermineront le caractère et la force. Avec quels soins la tendre vigilance d'une mère et d'un père doit cultiver et diriger les premiers développements d'une intelligence enfantine ! A ce moment de la vie tout a son importance; ce qu'on met dans la tête et dans l'âme d'un enfant décidera plus tard de sa destinée: pesez vos paroles et méditez vos leçons, car elles renferment l'avenir d'un homme. Nous ne connaissons rien de plus respectable et de plus sacré que les efforts sincères du peuple pour s'élever à la vie morale. Quand un artisan, après avoir demandé à l'industrieuse activité de ses bras le pain de chaque jour, dispute soit au sommeil, soit à des distractions grossières, quelques instants pour acquérir des connaissances qui doivent à la fois lui ouvrir l'esprit et de nouveaux moyens de travail et de bien-être, on ne saurait accorder trop d'estime à cette initiation laborieuse et volontaire...
...Une autre période s'ouvre, depuis la mort de Boniface VIII jusqu'au concile de Trente, deux siècles et demi, pendant lesquels l'Europe manifeste, à l'égard de la papauté, des sentiments tout-à-fait contraires à ceux qui, jusqu'alors, l'avaient animée. Désormais on voit les princes et les peuples, au lieu d'adhérer à l'autorité de Rome, la nier avec fureur; ce n'est plus cette sympathie générale qui, de toutes parts, poussait des élans vers le pape: c'est un esprit d'indépendance, de séparation et de schisme; on veut vivre chez soi et par soi; la vie politique se fait individuelle et locale; l'autorité générale de la papauté paraît ou insuffisante ou funeste: on la dédaigne ou on la hait. D'ailleurs les papes se détruisent eux-mêmes; après avoir perdu pendant soixante-douze ans le séjour de Rome, ils se dégradent en se multipliant. La chrétienté n'aperçoit plus sur le saint siège un seul homme, mais deux; et l'institution, dont l'unité faisait la force, présente deux têtes au monde, qui désormais voudra chercher ailleurs son point d'appui moral. L'église elle-même témoigne qu'elle ne met plus sa confiance dans la forme monarchique, car elle en appelle à l'autorité démocratique des conciles qu'elle élève au-dessus du pouvoir des papes. Cinquante ans après le concile de Florence et la fin du schisme, Luther paraissait...
Tacite ne nous a pas laissé ignorer que l'empereur Auguste n'aimait point ce que nous appelons aujourd'hui la liberté de la presse. L'heureux héritier de César voulut qu'on punît sévèrement ceux qui composaient de petits livres contre les particuliers. Il craignait sans doute qu'au moment où la tribune se taisait, la liberté et la malignité humaine ne cherchassent dans ces petits livres, libelli famosi, de trop cruels dédommagements. En général, les anciens, pour qui les plus grandes licences de la harangue publique étaient une habitude et comme une émotion nécessaire, supportaient impatiemment d'être maltraités dans des écrits. Ils n'admettaient pas ces accusations auxquelles on ne pouvait répondre sur-le-champ, comme dans l'assemblée du peuple, au sénat ou devant les juges. Ils mettaient leur point d'honneur dans un échange direct de toutes les invectives, de toutes les violences de langage que leur suggérait la passion...
L'alliance de l'histoire et de la politique devient plus étroite chaque jour, et elle rend au passé une vie nouvelle. Des questions et des faits qui semblaient avoir épuisé la curiosité et la controverse reprennent, au contact des révolutions et des conjonctures contemporaines, un intérêt imprévu. Ne voilà-t-il pas la vieille et classique Italie, saturnia tellus, qui veut encore occuper les imaginations et la renommée, comme si elle n'avait pas une double histoire, comme si elle n'avait pas deux fois régné sur le monde, d'abord par les armes, puis par la religion ? Et qui se montre surtout animé d'une ambition pareille ? Le pape. L'institution séculaire qui, placée au sommet du christianisme, a donné à la prédication de l'Évangile une autorité et des formes théocratiques, semble secouer la langueur dont elle était atteinte, et, par une initiative d'autant plus éclatante qu'elle était moins attendue, annonce le dessein de conduire les peuples à la conquête de la liberté. Ce spectacle rejette nécessairement l'esprit dans la contemplation du passé; il provoque des comparaisons entre notre époque et les siècles précédents. L'histoire seule peut nous livrer le secret de cette sorte de renaissance, qui appelle aujourd'hui tous les regards sur la papauté. Sa vitalité est-elle inépuisable ? Quelle est donc la vertu de ce pouvoir dont l'essence, les attributions et les fortunes diverses forment un des plus sérieux problèmes de la politique moderne ?...
Leibnitz, dans la préface de son Codex diplomaticus, établit qu'au moyen-âge le pape et l'empereur étaient les deux chefs de la république chrétienne. Il y eut, en effet, après la dictature de Charlemagne et le travail des races au IXe et au Xe siècle, un grand développement dans l'histoire humaine; c'était la formation morale de l'Europe elle-même qui se sentait individuelle, solidaire et chrétienne. Une société nouvelle, contraste notable avec le passé connu du genre humain, s'organisait sous la forme de cette république à deux têtes dont parle Leibnitz. Ce fait immense suffit à défrayer trois siècles qui constituent, à proprement parler, le grand moyen-âge; car avant le XIe cette république chrétienne n'existe pas, et après le XIIIe elle tombe. Il y a donc une trilogie naturelle et majestueuse qui se présente dans les annales modernes, nous voulons dire le XIe, le XIIe et le XIIIe siècle. Cette période est une, progressive, complète: elle a sa raison comme un système, son dénouement comme une tragédie; elle satisfait la foi du croyant, l'imagination de l'artiste, l'intelligence du penseur; elle est la manifestation historique du christianisme, son exaltation, sa gloire; elle est pour le catholicisme ce que furent pour le polythéisme grec les années qui s'écoulèrent depuis Solon jusqu'à Périclès...
Il y a de certaines choses, a dit La Bruyère, dont la médiocrité est insupportable, la poésie, la musique, la peinture, le discours public. Voilà qui s'appelle parler, c'est franc et c'est vrai. Qu'il serait souhaitable qu'une pareille sentence fût toujours présente à l'esprit de ceux qui font des vers ou de la prose, qui combinent des sons ou des couleurs ! Mais nous n'avons pas à nous occuper ici des émules plus ou moins heureux de Raphaël, de Mozart et de Racine; ce n'est pas à la poésie que nous avons affaire aujourd'hui, c'est seulement au discours public. Le XVIIe siècle a vu naître les académies, et par une conséquence naturelle l'éloquence académique, c'est-à-dire cette éloquence de luxe qui ne jaillit ni de la nécessité, ni de la passion. Au reste, ce genre d'éloquence n'est pas proprement d'origine moderne; l'antiquité la cultivait. On a toujours beaucoup parlé dans les démocraties, car il faut bien persuader les multitudes qui gouvernent. Dans les républiques anciennes, l'éloquence s'élevait à l'action. Par la parole, on emportait des décisions capitales...
...L'hébraïsme, et c'est là son originalité au milieu de toutes les idolâtries qui couvraient la terre, est la religion de la parole. Dieu parle continuellement à son peuple, il l'avertit, il le harangue sans relâche par des messagers célestes, par un homme privilégié qui, sous son inspiration, écrit la loi, c'est Moïse; enfin, par des prophètes à la fois orateurs et poètes; qui, toujours et partout, dans les prospérités comme dans l'exil, sur les rives du Jourdain et sur celles de l'Euphrate, sont la voix du Seigneur. On commence à comprendre comment ce peuple, d'abord si léger, si inconstant, qui abandonna si souvent Jéhovah pour d'autres divinités, finit par devenir persévérant et opiniâtre. L'idée d'un seul Dieu, la sainteté de sa loi, l'éternité de son alliance, n'avaient pénétré dans l'esprit des Juifs que lentement; mais, une fois admises, elles n'en sortirent plus, elles y régnèrent avec une puissance qui s'étendait aux plus minutieux détails du culte et de la vie. Aussi les Grecs et les Romains reprochaient surtout aux Juifs une superstition intraitable et odieuse...
Platon prépare bien l'esprit à l'étude de la philosophie, parce qu'il affecte l'âme et parce qu'il ébranle l'imagination. Il communique le désir et le goût de la sagesse, et s'il ne lui est pas donné de satisfaire les nobles passions qu'il éveille, il sait, par les émotions du beau nous animer et nous fortifier pour la recherche de la vérité. Cette heureuse puissance explique aussi l'accueil enthousiaste que firent les chrétiens des premiers siècles à l'artiste athénien; on lui reconnut le mérite de disposer le néophyte à recevoir les propositions théologiques, comme nous lui attribuons celui de conduire l'esprit au seuil même de la véritable science. N'est-ce pas là une nouvelle preuve, si elle était nécessaire, que la théologie et l'ontologie se disputent les mêmes principes et les mêmes vérités ? Il était naturel et il a été salutaire que la rénovation des études, pour l'histoire de la philosophie, commençât, en France, par Platon, dont nous nous proposons d'examiner...
"Politique d'Aristote" de Eugène Lerminier. Juriste et journaliste français (1803-1857).
Athènes fut la patrie de la liberté, de l'éloquence et de la philosophie. Elle ébaucha la première, elle brilla dans la seconde, et, dans la science comme dans l'art de la pensée, elle est encore aujourd'hui la maîtresse du genre humain. Sur cette terre que la mer baigne de deux côtés et qu'un éclatant soleil éclaire, la science eut un entier épanouissement. Il semble que devant la mer, cette image de l'infini, et sous un ciel resplendissant d'une aimable et vive lumière, ceux qui cherchaient la raison des choses sentirent en eux les dons de l'esprit s'accroître et s'embellir. Heureuse Athènes ! Ceux qui l'habitaient trouvaient, à quelques stades de ses murs et de son Agora, des écoles, des jardins où s'enseignait la sagesse. Au pied d'une colline qu'arrosait le Céphise, Platon vivait à Colone. Les jardins du Lycée s'étendaient sur les rives de l'Ilissus. Plus tard, la retraite d'Épicure et de ses successeurs eut une célébrité dont nous sont garants Cicéron et Sénèque. La campagne d'Athènes donnait à la philosophie une riante hospitalité; les laboureurs connaissaient le nom et le visage d'Aristote et de Théophraste...
"... C'est presque toujours l'amour qui conduit les femmes aux raffinements de la religion. La dévotion est pour elles une phase nécessaire dans leur vie passionnée. Plus le contraste est vif, plus il leur plaît; d'ailleurs, la contradiction n'est qu'apparent car, au fond, c'est toujours l'amour qui occupe leur âme: cette fois seulement, il va plus haut que l'homme, et il épure ses ardeurs en les élevant à Dieu. L'amour divin est pour les femmes une source inépuisable de forces nouvelles: nous ne parlons plus ici seulement de la dévotion ordinaire, mais des élans d'un mysticisme exalté et subtil. Quand elle s'est tournée vers ces hautes régions de la spiritualité, c'est avec délices que la femme se plonge dans la solitude et s'y oublie; elle s'y met sous la main de Dieu, elle croit l'entendre, elle le voit, elle le sent. C'est alors que l'extase produit tous ses miracles, c'est alors que, dans les étreintes et les transports de ce céleste hyménée, la femme est ravie jusqu'au ciel, et pour quelques instants son coq ne touche plus à la terre. L'âme encore pleine des souvenirs de cet état divin, la femme peut écrire, les paroles ne lui manqueront pas; elle aura pour raconter ses visions des traits d'éloquence, des lueurs de poésie qui seront comme l'éclatant témoignage du bonheur glorieux qu'elle a goûté..."
De nos jours, les intérêts sont positifs et intolérants, les idées sont vagues et indécises. Dans la sphère des intérêts, chacun se rend compte avec exactitude de ce qu'il convoite et de ce qu'il craint; dans la région des idées, tout est livré au hasard, au désordre, à la légèreté, à l'indifférence. Nous avons sous les yeux des systèmes faux, des théories creuses, des conceptions folles. Qu'importe ? On s'estimerait dupe si l'on se surprenait à vouloir venger le bon sens et soutenir la cause du vrai. Au milieu du concours et des luttes de tous ces intérêts qui s'exaltent et se supplantent, un seul est peu courtisé, l'intérêt général: négligence funeste, qui, en politique, amène la torpeur, et qui, en littérature, laisse triompher la licence. Sur cette pente, tout dégénère et se déprave. Quand Athènes produisait Phidias et Platon, quand Paris lisait Descartes et applaudissait Corneille, les esprits étaient possédés de l'amour du beau et de la passion du vrai. Où trouver, de nos jours, ces deux sentiments sans lesquels la pensée languit ou se corrompt ? La critique ne peut juger la société et les lettres que sur les faits qui se manifestent...
Les causes de la révolution française furent profondes et lentement amassées par le temps; mais l'explosion fut soudaine, et les phases diverses de cette grande péripétie eurent quelque chose d'imprévu et de fatal. Les évènements surprirent et menèrent les hommes. Quelques mois, quelques jours suffisaient alors pour changer les rôles, pour briser les partis, pour élever quelques hommes obscurs sur les ruines de ceux qui la veille étaient pour le peuple des idoles et des chefs. Quand le 5 mai 1789, Louis XVI ouvrit les états-généraux à Versailles, la royauté paraissait puissante et populaire; l'année ne s'était pas écoulée, qu'on put voir la royauté compromise, puis désarmée, enfin perdue. Tout était entraîné, enveloppé, les amis comme les adversaires de l'indomptable révolution, qui cependant rencontra, dès le début, d'éloquents et courageux ennemis. C'est la destinée des grandes causes d'exciter la haine au même point que l'enthousiasme; aux idées nouvelles et fortes s'attachent toujours des passions ardentes, soit pour les propager, soit pour les combattre...
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