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Tu dois avoir reçu toutes mes lettres, Ernest: depuis que j'ai quitté Stockholm, je t'ai écrit plusieurs fois. Tu peux me suivre dans ce voyage, qui serait enchanteur s'il ne me séparait pas de toi. Oh! pourquoi n'avonsnous pu réaliser ces rêves délectables de notre jeune âge, quand notre imagination s'élançait dans ce grand univers, voyait couler d'autres cieux, entendait gronder de plus terribles orages! quand, assis ensemble sur ce rocher qui se séparait des autres, et qui nous donnait l'idée de l'indépendance et de la fierté, nos coeurs battaient tantôt de mille pressentiments confus, tantôt se rejetaient dans la sombre antiquité et voyaient sortir de ces ténèbres nos héros favoris! Où sontils, ces jours radieux de fortes et de douces émotions? Je t'ai quitté, aimable compagnon de ma jeunesse, sage ami qui réglais les mouvements trop désordonnés de mon coeur et endormais mes tumultueux désirs aux accents de ton âme ingénieuse et inspirée! Cependant, Ernest, je suis quelquefois presque heureux; il y a un charme enivrant dans ce voyage, qui souvent me ravit; tout s'accorde bien avec mon coeur et même avec mon imagination. Tu sais comme j'ai besoin de cette belle faculté, qui prend dans l'avenir de quoi augmenter encore la félicité présente; de cette enchanteresse, qui s'occupe de tous les âges et de toutes les conditions de la vie, qui a des hochets pour les enfants et donne aux génies supérieurs les clefs du ciel pour que leurs regards s'enivrent de hautes félicités¿ Mais où vaisje m'égarer? Je ne t'ai rien dit encore du comte.
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