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La Double Maîtresse mis en scène trois personnages principaux : François de Portebize, sa mère Julie, et Nicolas de Galandot, qui laisse après sa mort une fortune considérable à son neveu François, qui ne l'a jamais connu. La première partie retrace la jeunesse de cet oncle mystérieux et sa rencontre avec sa cousine Julie de Mausseui, coquine devenant avec le temps une franche libertine. La seconde partie s'intéresse à François, qui fait fureur à Paris grâce à l'héritage de son oncle, et suscite bien des passions. La troisième partie opère un nouveau détour chronologique, puisqu'on suit désormais Nicolas de Galandot dans son âge mûr, qui par foucade a déménagé à Rome pour se consacrer à l'archéologie...
" Le soir, au coin du feu, j'ai pensé bien des foisÀ la mort d'un oiseau, quelque part, dans les bois.Pendant les tristes jours de l'hiver monotone,Les pauvres nids déserts, les nids qu'on abandonne,Se balancent au vent sur un ciel gris de fer.Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l'hiver! "
On se rappelle la stupeur de Paris quand s'y répandit tout à coup la nouvelle des deux défaites de Forbach et de Reischofen. C'était un dimanche, l'atmosphère était lourde, orageuse, chargée d'épaisses vapeurs. Je me trouvais avec deux ou trois de mes camarades de l'École normale ; nous parlâmes de nous engager. Sans être bien perspicace, on pouvait déjà prévoir que notre armée active n'était pas de force à soutenir la lutte, et les raisons mêmes qui avaient amené : la défaite du maréchal de Mac-Mahon, le nombre des Allemands, leur discipline, leur savante organisation, disaient assez qu'avant peu la France aurait besoin de tous ses enfants. Par cela même qu'une loi spéciale nous exemptait de tout service militaire, nous nous devions de donner des premiers l'exemple du patriotisme. D'ailleurs un décret du ministre de l'instruction publique vint bientôt renvoyer à des jours plus heureux nos examens d'agrégation...
" Deux ans à peine s'étaient écoulés depuis l'expédition des Anglais en Ethiopie et la fin tragique du négus Théodoros ; le percement de l'isthme de Suez était un fait accompli, et les grandes conséquences de cet acte n'échappaient plus à personne. Parmi la foule des étrangers que l'ambition, le goût des aventures ou la soif des richesses avaient attirés à Alexandrie se trouvait M. Pierre Arnoux, négociant français, instruit par un long séjour en Kabylie des m¿urs des pays musulmans : homme robuste avec cela, d'une probité et d'une énergie peu communes, plein d'un bon sens pratique qui n'exclut pas la finesse d'esprit. L'idée lui vint de renouer les relations commencées jadis par M. Rochet d'Héricourt entre la France et Sahlé Sallassi, roi de Choa, dans l'Ethiopie méridionale. Les circonstances semblaient favorables : Minylik, petit-fils de Sahlé Sallassi, après dix ans d'absence, venait de rentrer dans son royaume, où son pouvoir était plus fort et plus respecté que jamais ; on le disait bon, généreux, intelligent, accessible à toutes les idées de progrès. ..."
Ce recueil inclut les contes suivants: La petite papetière, L'adoption, Pilier de café, Maman Nunu, Les vices du capitaine, La robe blanche, et Le remplaçant. Extrait:"Dans le faubourg, - une rue assourdissante, populeuse, où, du matin au soir, les vitres tremblaient au fracas des camions et des omnibus, - tout le monde connaissait, estimait et respectait la petite papetière. Et l'on avait bien raison ; car il ne se pouvait rien voir de plus gentil que cette blondinette en robe noire bien ajustée, dans sa boutique si proprement tenue, quand elle pliait lestement les journaux du soir qui sentaient bon l'imprimerie toute fraîche. Je dis blondinette, je devrais plutôt dire roussotte ; car la chevelure, trop abondante pour être toujours bien peignée, tirait sur le cuivre, et, dans le joli et régulier visage, dont quelques taches de son piquaient le teint rose, deux yeux charmants étincelaient, couleur de noisette."
" Il fut célèbre deux mois entiers : on l'appelait le chasseur d'hommes, et les Parisiens avaient fait de lui leur héros. C'était bien là en effet le type du franc-tireur, un de ces hommes comme il en fallait pour harceler l'ennemi, lui tuer du monde, donner du temps aux armées de province et préparer la grande sortie. À l'ordre du jour sur les rapports partis de la place, le nom de Hoff revenait sans cesse, et les plus sceptiques étaient forcés de croire des choses presque invraisemblables. Au 10 novembre, n'avait-il pas déjà tué de sa main plus de trente Prussiens ? Seul ou presque seul, il courait la campagne, faisant la guerre en vrai partisan, enlevant les sentinelles ennemies, surprenant les postes. Un jour il délogeait les Prussiens de l'île des Loups, une autre fois il s'emparait de Neuilly. De Nogent à la Ville-Évrard, sur toute la rive droite de la Marne, il était roi du pays. Pour tant de hauts faits, il avait reçu la croix. Des reporters allèrent le voir aux grand'gardes, les gazettes publièrent sa biographie, son portrait courut les rues, et plus que jamais dans Paris on parla de sorties, de surprises, de francs-tireurs et de guerilleros..."
" Si l'Espagne aujourd'hui ne peut citer un romancier de premier ordre, si Fernan Caballero vieilli s'est retiré, laissant au plus digne la place qu'il avait si longtemps occupée et que nul après lui n'est venu remplir, il est cependant plusieurs écrivains qui jouissent là-bas d'une réelle réputation et qui partout ailleurs feraient encore quelque figure. Tel est Pedro Antonio de Alarcon, le plus original de tous, sinon le plus châtié. Conteur facile et agréable, où il excelle, c'est dans la nouvelle, le récit familier ; en dépit de ses négligences, il plaît, il intéresse ; il a ce charme singulier qui rend les défauts moins sensibles et les qualités plus aimables. C'est un talent très personnel, primesautier, fantasque et sérieux à la fois, tout fait d'oppositions et de contrastes, curieux mélange de chaleur et d'humour, d'esprit et d'enthousiasme..."
Une mère possessive, riche et veuve, un fils déchiré entre son amour pour sa mère et sa passion pour une pauvre et irréprochable jeune ouvrière que sa mère déteste par jalousie, sont là les trois personnages de ce roman à la fois tragique et poignant.
Je ne vois guère en France que trois groupes vraiment actifs (je ne compte pas le nôtre, qui n'est encore qu'en voie de formation). Les deux premiers, qui ont entre eux beaucoup d'affinités et de continuelles communications, sont les francs-maçons radicaux et les socialistes. Je ne sais pas bien quel est leur nombre. Les élections nous renseignent mal là-dessus; nous verrons pourquoi. Mais, en tout cas, ils ne forment, dans le pays entier, qu'une minorité assez petite. A l'autre extrémité, c'est le groupe, encore plus restreint et d'ailleurs vaincu autant qu'on peut l'être, des catholiques militants et des monarchistes irréductibles. Entre ces deux camps inégaux, il y a le pays, simplement; huit ou dix millions d'hommes sans opinion politique ou de républicains modérés, paysans, bourgeois, ouvriers même (ceux des grands centres mis à part); une multitude qui sait quelquefois ce qu'elle pense, mais qui, jusqu'ici, n'a pas fait l'effort de vouloir...
" C'est une justice à rendre aux auteurs espagnols en général, qu'ils s'attachent très sincèrement à écrire des ¿uvres honnêtes et qu'à défaut d'autre mérite ils auraient encore celui de dédaigner les succès de mauvais aloi : ils ne s'attardent pas de préférence à l'étude du vice et des laideurs sociales, et se gardent d'afficher une sorte d'indifférence esthétique entre le mal et le bien. Ces scrupules évidemment ne sauraient tenir lieu des qualités diverses qui font l'écrivain, et cependant qui pourrait dire tout ce que le talent lui-même y gagne d'autorité, de charme aussi et d'agrément ? Antonio de Trueba, conteur et poète, jouit par-delà les Pyrénées d'une véritable réputation : le peuple chante ses vers, et ses contes sont lus partout. Ce n'est pas qu'il se distingue par la grandeur des conceptions ou l'étendue des connaissances : tel autre aura peut-être l'imagination plus féconde, l'esprit plus fin, le tour plus vif et plus original ; en revanche, autant que personne, il a le c¿ur sensible et bon, et le meilleur de son ¿uvre est venu de là..."
" Le train courait à toute vapeur sur la ligne de Rouen, nous avions dépassé Amiens ; il était alors minuit environ. Soldats du 20e chasseurs à pied, après un mois de séjour à Boulogne, où se trouvait le dépôt, nous allions à l'armée de la Loire rejoindre notre corps. Nous étions là, pressés les uns contre les autres, dans ces wagons de troisième classe aux compartiments anguleux, trop étroits, qu'encombraient encore nos nombreux objets d'équipement militaire. Chacun s'était logé un peu au hasard, comme il avait pu. La gaîté du reste n'avait pas manqué le long de la route ; c'étaient des rires sans fin, des jeux de mots, des plaisanteries dont les Prussiens avaient la bonne part ; on entonnait en ch¿ur des chants patriotiques, les voix se répondaient d'un wagon à l'autre, et, quand nous passions dans les gares, nos clairons par les portières allègrement sonnaient la charge. Cependant, la nuit venue, toute cette effervescence du départ s'était un peu calmée ; le moins exigeant eût bien voulu dormir. Pour moi, en montant dans le train, séparé de mon escouade, je n'avais pu retrouver qu'un de mes amis, Paul V..., autre engagé volontaire..."
Ce recueil inclut les contes suivants: L'invitation au sommeil, Le numéro du régiment, L'orgue de Barbarie, Le convalescent, ¿uvres posthumes, À table, Les pommes cuites, Lettres d'amour, Mariages manqués, Jalousie, Fille de tristesse, et Les sabots du petit Wolff.
Avant même que le jour ne fût levé, Valserine ouvrit toute grande la fenêtre, comme les matins où elle attendait le retour de son père. Elle savait bien pourtant qu'il ne viendrait pas, ce matin-là, puisque les gendarmes l'avaient emmené en prison la veille ; mais elle ne pouvait s'empêcher de regarder vers le sentier par où il arrivait toujours, un peu courbé, lorsqu'il rapportait des marchandises passées en contrebande. Elle ne pouvait croire encore à son malheur.
" Parler de l'expédition du Mexique aujourd'hui, c'est la condamner. L'or et le sang de la France gaspillés en pure perte, nos arsenaux vidés jusqu'à l'épuisement, la retraite précipitée de nos troupes au premier signe du mécontentement des États-Unis, la mort tragique de Maximilien d'Autriche, notre protégé, la ruine de tant de braves gens qui, sur la foi des discours officiels, avaient cru à la solidité des valeurs mexicaines, les conséquences trop tôt vérifiées d'une folle entreprise qui nous laissait affaiblis désormais en face de notre véritable ennemi, jusqu'à la défection de l'homme qui s'y était acquis richesses et honneurs, tout cela pour nous résume une des plus douloureuses pages de notre histoire. Il ne faudrait pas pourtant dépasser la mesure et, par un sentiment exagéré, payer d'ingratitude ceux qui, tous les premiers victimes des faux calculs d'une politique d'aventure, allèrent par-delà les mers soutenir l'honneur du nom français..."
" La personne d'Irénée, évêque de Lyon à La fin du IIe siècle de notre ère, sans avoir l'originalité ni l'attrait d'autres grandes figures de la chrétienté primitive, n'en est pas moins des plus intéressantes pour l'historien de l'église ou de ses dogmes. L'influence qu'il a exercée, son origine orientale, son ministère en Occident, sur le sol même de la France, la part qu'il prit aux divers mouvements de ce mystérieux second siècle, naguère encore si rebelle aux efforts tentés par la critique pour lui arracher ses secrets, tout cela contribue à lui assigner dans l'histoire religieuse ce haut rang que probablement sa valeur personnelle ne lui eût pas donné d'atteindre. La rareté des documents contemporains de son grand ouvrage contre les gnostiques fait que, pour la postérité, Irénée occupe le centre de la situation théologique de son époque, du moins en Occident, et de même qu'il était l'un des pères les plus cités de l'ancienne théologie, de même il est un de ceux que la critique moderne a le plus étudiés..."
" Tandis que les partis religieux et irréligieux qui se disputent l'empire des âmes s'épuisent dans des luttes aussi bruyantes que stériles, il est quelques âmes méditatives qui, tout en s'intéressant à ce grand conflit, le contemplent d'assez haut pour ne pas se laisser assourdir par les clameurs des combattants, et préfèrent aux agitations de la mêlée quotidienne l'étude calme, recueillie, aussi impartiale que possible, des grands problèmes trop souvent voilés par la poussière du champ de bataille. C'est avec eux que l'on profite, ce sont eux qui nous permettront de sortir de l'impasse où nous retiennent les passions aveugles, et sans qu'on puisse encore leur décerner l'honneur d'avoir donné la solution finale, il faut tenir grand compte de ces laborieux efforts ; ils nous rapprochent du but désiré, de la synthèse supérieure qui fera droit un jour à tout ce qu'il y a de légitime parmi les éléments discordants de la pensée contemporaine..."
" Parmi les foyers de libéralisme religieux qui font rayonner leur action, depuis quelques années, avec une intensité croissante, il faut citer avec honneur la charmante petite ville de Zurich, qui mérite à bien des égards le surnom d'Athènes suisse dont l'a gratifiée l'amour-propre helvétique. Il semble que l'esprit de Zwingli, le plus hardi et le plus large des réformateurs du XVIe siècle, se soit réveillé de nos jours dans les lieux témoins de sa courte et belle vie. Cet esprit avait dormi longtemps. C'est à Zurich que la scolastique protestante, qui fit tout ce qu'elle put au XVIIe siècle pour compromettre par un dogmatisme outré les résultats de la révolution accomplie au siècle précédent, rédigea ce maussade Consensus helveticus dont le maintien rigoureux eût pour jamais arrêté la science religieuse..."
" Le 4 juin dernier, la Néerlande a perdu le plus éminent de ses hommes d'état, celui qui a le plus contribué à l'avènement dans ce pays du régime strictement parlementaire. J.-R. Thorbecke n'était guère connu que de nom à l'étranger. Pour bien des raisons, la Néerlande est trop ignorée au dehors : le royaume est petit, la langue difficile, rarement étudiée, et les Néerlandais ne se donnent pas beaucoup de peine pour attirer l'attention sur eux. Peut-être ont-ils tort, peut-être auront-ils plus tard lieu de regretter l'espèce d'indifférence, mélange de fierté légitime et d'indolence, qu'ils professent pour l'opinion de l'Europe, qu'ils ne secouent du moins qu'au jour où leur intérêt national est directement en jeu. Ce que nous pouvons affirmer, c'est que l'étranger gagnerait souvent à les voir de près. Il y a chez eux une riche mine d'expériences politiques et sociales à utiliser..."
" Parmi les disciplines, d'aspect effrayant pour les profanes, que l'ancienne théologie avait inscrites sur son programme ordinaire, se trouvait la patristique, c'est-à-dire un certain genre d'études roulant sur les pères de l'église, leur biographie, leurs écrits et l'usage qu'il en fallait faire. Rien n'égalait en aridité cette branche de la science religieuse. Le factice, le convenu voilaient entièrement les côtés pittoresques de cette littérature pleine de vie et de passion, que le point de vue traditionnel changeait en une sorte de pétrification solennelle et grandiose, mais monotone et suintant l'ennui par toutes ses fissures. La controverse seule (et quelle controverse !) avait le courage de s'attaquer à ces blocs massifs et d'en extraire les pierres convenables aux édifices respectivement chers aux différents controversistes..."
Il y a un an à peine, le 10 mai 1860, Florence voyait s'éteindre une des plus brillantes intelligences, l'un des plus nobles c¿urs qui aient honoré l'Union américaine : Théodore Parker succombait à l'inexorable maladie dont il avait en vain demandé la guérison au doux climat de l'Europe méridionale. Il n'avait pas cinquante ans. Sa mort prématurée était sainte comme celle d'un martyr, car elle avait pour cause l'excès de son dévouement à la vérité religieuse et sociale. Sans jamais calculer, Parker avait prodigué dans la lutte tout ce que sa vigoureuse constitution lui avait donné d'énergie physique. Il mourait avant d'avoir vu se lever le jour qu'il avait tant de fois prédit, où la république américaine aurait honte enfin du hideux ulcère que l'esclavage attache à ses flancs. Il était heureusement de ces c¿urs de lion qui n'ont pas besoin pour combattre jusqu'à la fin d'être encouragés par le succès...
" Aujourd'hui que la politique et la philosophie posent, comme à l'envi, les questions religieuses, et en particulier celles qui concernent la nature et la valeur du christianisme, il importe absolument que nous ne restions pas plus longtemps étrangers aux grands travaux accomplis au-delà de nos frontières. Ne nous laissons pas surprendre par des préventions ou des engouements qui seraient également déplacés, mais sachons du moins ce qui se passe et ce qui se dit autour de nous. Ne craignons plus de porter des regards sympathiques et respectueux, mais fermement investigateurs, sur des sujets que l'indifférence ou la peur enlevait jusqu'à présent à notre examen scientifique. Il existe en Allemagne toute une école, aussi sérieuse que savante, dont l'influence se fait de plus en plus sentir en Hollande, en Angleterre, en Suisse, en Amérique, et qui se prétend en possession d'une théorie complète sur les origines du christianisme et de l'église. Il serait peu digne de notre esprit philosophique et libéral de ne pas même connaître les tendances et les doctrines de cette école. Et comment les connaître, si on ne les expose pas en toute liberté ?..."
... lorsque, en 1821, l'Anglais Hodgson découvrit, dans les monastères du Népal, les manuscrits bouddhiques originaux, la Triple Corbeille et le Lotus de la bonne loi ; lorsque Eugène Burnouf eut dédié sept années de sa vie à l'étude des soixante-quatre manuscrits que Hodgson envoya à la Société asiatique de Paris ; lorsque, enfin, il publia son admirable Introduction à l'histoire du bouddhisme, on commença à se douter de l'importance d'une religion, qui, malgré sa forme très dégénérée, compte encore aujourd'hui parmi ses adhérents un tiers de l'humanité. Les travaux qui suivirent : ceux de Weber, de Max Muller, de Wassyljew, de Foucaux, de Stanislas Julien et de tant d'autres ont augmenté cet intérêt d'année en année. Actuellement, une armée d'indianistes anglais, allemands et français fouillent les origines du bouddhisme...
... Jusqu'à ce jour, les historiens ont cherché l'explication du miracle hellénique dans le pays et dans la race des Hellènes. Ces deux facteurs en furent certes les conditions indispensables. Si l'Europe semble une ramification de l'Asie, la Grèce, terminée par le Péloponnèse et entourée de ses îles, semble la branche la plus délicate et le bouquet fleuri de l'Europe. Golfes et caps, vallées ombreuses et sommets nus, toutes les figures de la montagne et de la mer s'y profilent et s'y emboîtent dans une harmonie savante, avec une sobriété pleine de richesse. On dirait les cimes abruptes et neigeuses de la Thessalie sculptées par les Titans. N'ont-elles pas été taillées pour être le trône des Olympiens, et les grottes tapissées de lierre du Cithéron pour recouvrir les amours des dieux épris des femmes de la terre, et les bois de myrte et les sources de l'Arcadie pour abriter les dryades et les nymphes ? Les plaines de l'Elide, d'Argos et de l'Attique n'attendaient-elles pas le galop des Centaures et les combats héroïques ? Les Cyclades, semées sur la mer violette comme des coquilles de nacre ou des fleurs rosées avec leurs franges d'écume, n'appelaient-elles pas les rondes des Néréides ? Le rocher de l'Acropole ne réclame-t-il pas tout seul le Parthénon avec la Vierge d'airain dont brille de si loin le casque et l'aigrette ?...
L'Inde est par excellence la terre des mystères et des traditions occultes, parce qu'elle est la plus vieille du monde et la plus lourde d'histoire. Nulle part plus d'humanité ne s'est entassée sur plus de nature. Là les montagnes énormes ont surgi derrière les montagnes, les espèces ont grouillé sur les espèces et les races humaines ont roulé les unes sur les autres comme le limon des fleuves. Le Djampoudvipa, la terre hérissée de monts (c'est ainsi que Valmiki, l'Homère de l'Inde, appelle sa patrie) a vu évoluer les êtres vivants depuis les sauriens et les serpents monstres de la Lémurie jusqu'aux plus beaux exemplaires de la race aryenne, les héros du Ramayana, au teint clair et aux yeux de lotus. L'Inde a vu toute l'échelle des types humains, depuis les descendants des premières races, retombés dans un état voisin de l'animalité jusqu'aux sages solitaires de l'Himalaya et au parfait Bouddha, Çakia-Mouni...
...La lumière vient de l'Orient ! Cette parole enferme bien des sens. Il est certain que la marche générale de la race blanche, qui domine actuellement le globe, va en sens contraire, d'orient en occident. Depuis trois siècles, la civilisation, sautant l'Atlantique, a passé en Amérique. Mais l'Europe est toujours le cerveau de l'humanité. C'est dans ce cerveau fiévreux et névrosé que se livrent les grands combats de la conscience moderne, que s'élabore l'avenir. La situation est grave en cette fin de siècle. Le trouble de la pensée répond au malaise universel, et nous semblons à la veille sinon de grands cataclysmes, du moins de douloureuses transformations sociales et religieuses. Jamais cependant la solidarité morale et spirituelle de l'humanité n'a été aussi visible. La pensée ne fait pas seulement le tour du globe matériellement par le câble électrique : une sorte de vie commune s'est établie entre tous les peuples et tous les continents. Les flux et les reflux de la pensée vont d'Europe en Amérique et d'Amérique en Europe...
" ... Sa légende a cet intérêt capital qu'elle résume et dramatise toute la doctrine brahmanique. Seulement elle est restée comme éparse et flottante dans la tradition, par cette raison que la force plastique fait absolument défaut au génie indou. Le récit confus et mythique du Vishnou-Pourana renferme cependant des données historiques sur Krishna, d'un caractère individuel et saillant. D'autre part, le Bhagavadgita, ce merveilleux fragment interpolé dans le grand poème du Mahabhârata, et que les brahmanes considèrent comme un de leurs livres les plus sacrés, contient dans toute sa pureté la doctrine qu'on lui attribue. C'est en lisant ces deux livres que la figure du grand initiateur religieux de l'Inde m'est apparue avec la persuasion des êtres vivants. Je raconterai donc l'histoire de Krishna en puisant à ces deux sources, dont l'une représente la tradition populaire et l'autre celle des initiés..."
"... M. Richard Wagner, disons le mot, est un révolutionnaire radical en fait d'opéra. Voilà ce que tout le monde sait ; mais ce qu'amis et ennemis ignorent généralement en France ou ne soupçonnent que vaguement, c'est le but de cette révolution salutaire ou dangereuse que veut l'artiste, c'est l'idée-mère vraie ou fausse qui préside à ses ¿uvres, pour laquelle il n'a cessé de se battre comme poète et comme compositeur, comme chef d'orchestre et comme écrivain, pour laquelle il dépense depuis trente ans toute l'énergie d'un tempérament fougueux et indomptable, si bien que cette idée réformatrice s'est incarnée en lui, et que son nom est devenu un drapeau. La représentation des Maîtres chanteurs, ¿uvre originale et intéressante de tout point, est une occasion nouvelle de regarder en face un homme trop souvent jugé à la légère et qui dès l'abord commande une attention sérieuse par de rares qualités : l'amour du grand art jusqu'au fanatisme, le courage de son opinion jusqu'au bout, enfin une vie entière consacrée à une idée..."
A travers 42 chapitres, représentant le même nombre de jours de détention du jeune officier qui nous narre l'histoire, ce dernier prend à parti le lecteur et lui propose d'entrée de jeu de l'amener dans son "aventure". Il s'agit ici d'une aventure physique, mais ce roman montre aussi toute la puissance de l'imagination, et de l'âme sur le corps physique.
La biographie dont je vais donner lecture est d'une longueur inusitée, malgré les nombreuses coupures que j'y ai faites ce matin même. Je pourrais, pour m'excuser, dire que Gay-Lussac n'était pas un académicien ordinaire, qu'il occupera une place très-éminente dans l'histoire scientifique de la première moitié du xixe siècle, que les titres seuls des importants Mémoires qu'il a publiés rempliraient un grand nombre de pages, etc., etc. ; mais j'aime mieux l'avouer sincèrement, je me suis aperçu trop tard que j'avais dépassé les limites généralement convenues, et lorsqu'il ne me restait plus le temps nécessaire pour donner une autre forme à mon travail...
Les montagnes du Caucase sont depuis longtemps enclavées dans l'empire de Russie sans lui appartenir. Leurs féroces habitants, séparés par le langage et par des intérêts divers, forment un grand nombre de petites peuplades, qui ont peu de relations politiques entre elles, mais qui sont toutes animées par le même amour de l'indépendance et du pillage.Une des plus nombreuses et des plus redoutables est celle des Tchetchenges, qui habitent la grande et la petite Kabarda, provinces dont les hautes vallées s'étendent jusqu'aux sommités du Caucase. Les boumes en sont beaux, courageux, intelligents, mais voleurs et cruels, et dans un état de guerre presque continuel avec les troupes de la ligne...
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