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... Elle s'entretenait, pendant le repas, de sa promenade, de sa lecture, de ses sentiments, de ses pensées ; elle trouvait toujours une âme qui répondait à la sienne. Son exaltation n'était point traitée de folie, sa sensibilité d'exagération, sa délicatesse de susceptibilité. Aucune des personnes de sa société n'était étrangère au langage qu'elle parlait ; madame de Crécy elle-même paraissait s'y complaire. Le propre de la véritable bonté est de savoir se prêter aux goûts de ceux qu'on aime, quoiqu'on ne les partage pas...
Toute recherche doit aller du clair à l'obscur, c'est-à-dire de ce qui est le plus aisé à comprendre à ce qui est le moins aisé à comprendre ; et ce qui est le plus aisé à comprendre, c'est nécessairement ce qui est le plus réfléchi et le plus raisonnable. En d'autres termes, on ne peut expliquer quoi que ce soit qu'en ramenant le confus au clair et l'instinctif au réfléchi. Cette règle si évidente est pourtant méconnue trop souvent par ceux qui font profession de philosophie ; et particulièrement, lorsqu'ils traitent de la Mémoire, ils semblent chercher la difficulté, et craindre de ne pas commencer par ce qu'il y a dans cette question de plus obscur et de plus difficile à expliquer, je veux dire cette forme de la Mémoire qui paraît régie par un obscur mécanisme et entièrement soustraite à l'autorité de la Raison...
... Puisque je vous vois, mon cher Ariste, si fort irrité contre les faiseurs de systèmes, vous plaît-il qu'oubliant en quel temps nous vivons, nous examinions non pas les opinions des autres, mais les choses mêmes, afin de mieux connaître quelles elles sont ?...
... Comprendre un auteur, c'est, non pas l'exposer, le développer en surface, mais le construire suivant la proportion vraie des parties qu'il contient. C'est mettre à la base celles qui supportent les autres, et qui portent en elles, dans leur idée, tout l'édifice, tandis que les parties les plus en vue, celles qu'on regarde plus souvent que les autres parce qu'elles représentent les questions ou les points de vue les plus familiers, et d'après lesquelles on essaie de caractériser l'ensemble, n'ont pas de sens en elles-mêmes, et par suite comportent les interprétations les plus contraires...
C'est dans la langue de Rabelais que M. Charles De Coster a écrit ses Légendes flamandes. Ces sortes de pastiches demandent beaucoup d'étude, une connaissance approfondie du vieux langage français, aux diverses époques, pour ne pas confondre l'une avec l'autre, et une sorte de familiarité de longe date avec les écrivains de ces temps là. En ces labyrinthes philologiques il est facile d'errer. Balzac, dans ses Contes drôlatiques, commet à chaque instant des fautes graves et montre qu'il connaît assez mal la langue et l'orthographe anciennes qu'il a prétendu reproduire.
En plein Paris, dans une pension de famille, un milliardaire américain, A. H. Terrick, sa femme, ses deux enfants et leur gouvernante avaient été assassinés à l'aide d'un poison violent dont les experts n'avaient pu définir la nature. Cette affaire occupe tout l'esprit du juge de Landré : il est persuadé de la culpabilité d'un certain Charfland mais personne ne le suit dans son raisonnement. Il finit par faire appel à Nounlegos, un vieux savant fou, qui l'a contacté et prétend savoir lire dans les pensées des gens...
L'enseignement de Jules Lagneau a eu de son vivant une telle réputation, et ceux qui ont pu s'en faire une idée d'après les notes ou les souvenirs de ses élèves en ont tiré un si grand profit, qu'il nous a paru que c'était rendre service à la Philosophie que mettre sous les yeux du public tout ce que les manuscrits de notre maître, éclaircis par nos notes et nos souvenirs, permettraient de reconstituer avec exactitude. Un exposé systématique de la doctrine de Jules Lagneau était évidemment, sous ce rapport, préférable à toute autre publication. Mais ce travail, depuis déjà longtemps assez avancé, nous est apparu comme tout à fait au-dessus de nos forces parce qu'il fallait, pour le mener à bien, à la fois une rare puissance de construction et une extrême défiance vis-à-vis de soi-même, qualités déjà difficiles à acquérir chacune à part, mais impossibles, ose-t-on dire, à concilier...
... Sans doute toutes les essences, même des modes et de leurs affections, sont éternelles, mais à titre de vérités (non de choses existantes), de vérités implicitement contenues dans l'idée éternelle de Dieu éternel objet de l'entendement et mode éternel comme lui ou plutôt identique à lui : les choses correspondantes, et par conséquent leurs idées, n'apparaissent, pour disparaître après quelque durée, que selon un ordre complètement indépendant de celui des essences, c'est-à-dire de celui selon lequel elles se rapportent aux modes fixes et éternels (perpétuels aussi selon l'existence), et cet ordre du fait est pour nous absolument insaisissable...
La Légende d'Ulenspiegel (titre complet : La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs) est un roman de 1867 de l'auteur belge Charles De Coster. Basé sur la figure littéraire de Till l'Espiègle, il raconte les aventures allégoriques du farceur flamand, Thyl Ulenspiegel, juste avant et pendant la révolte néerlandaise contre la domination espagnole des Pays-Bas.
Domburg est un petit bourg bâti sur la côte occidentale de l'île de Walcheren. Il fut entre tous ses frères, les villages de Zélande, si éprouvés par les mouvements de terrain et les inondations, l'un des plus infortunés et des plus éprouvés. Un horrible incendie le dévora un jour tout entier ; à peine renaissait-il de ses cendres que la mer se rua sur lui et engloutit la moitié de ses maisons : elles dorment maintenant sous le sable ; Domburg alors fit retraite derrière les dunes et là fut de nouveau rebâti ; ce que l'on voyait de lui en mil huit cent cinquante-sept, c'étaient de coquettes habitations de briques alignées dans une longue grande rue et dont les portes, les volets, les montants et les traverses des croisées sont peints pittoresquement en gris, en vert et en rouge...
... En somme le paradoxe est l'effet naturel de ce que l'on peut appeler l'épuration des concepts. Il faut bien que l'on donne un sens précis et limité à ces termes généraux dont la signification est si riche dans la langue populaire. De là un trouble pour ceux qui ne considèrent pas les définitions ou qui ne savent pas s'y tenir, trouble dont le philosophe ne peut prendre souci, occupé qu'il est à retrouver peu à peu les vérités du sens commun, et à leur donner une forme bien plus satisfaisante, mais qui fait que le sens commun ne s'y reconnaît pas toujours lui-même. À l'appui de cette analyse, où l'on reconnaît un philosophe pour qui l'épuration des concepts et la déduction progressive est une méthode familière, M. Vailati aurait pu citer, comme exemple remarquable, l'Éthique de Spinoza ; c'est un livre qui ne nous instruit que longtemps après qu'il nous a étonnés...
Mais, mon cher Busseuil, lisez-le donc cet extrait, je vous en prie. - Mais, mon cher Mirval, je l'ai lu, il est fort injuste, et cela n'a rien de curieux. J'en lis tous les jours de semblables; voilà le genre. - Comment ! un journaliste qui feint de trouver de mauvais principes dans l'ouvrage le plus moral ! qui ose se permettre vaguement cette grave accusation, sans rien citer ! qui n'emploie constamment que le ton de l'ironie, ton qui, dans ce cas, décèle si bien la haine ! enfin, un extrait qui donne l'idée la plus fausse de l'ouvrage, et qui d'ailleurs est rempli de réticences perfides et de traits calomnieux!... - L'ouvrage critiqué vous intéresse, il est d'un homme que vous aimez ; je conçois votre colère, mais je ne comprends pas votre étonnement...
... La vapeur nous emporte rapidement vers le nord, et bientôt nous arrivons à la station de St-Maurice. Il y avait beaucoup de monde à la station, mais le compagnon de voyage que nous attendions en cet endroit, M. le chanoine J. Prince, ne s'y trouvait malheureusement pas. Le train des Piles avait changé ses heures de départ ce matin-là même, et M. Prince n'avait pas été averti du changement. Nous étions fort contrariés, car M. Prince est l'un des plus aimables compagnons de voyage que l'on puisse rencontrer. Monseieur chargeait quelqu'un de l'avertir de nous rejoindre à la Mékinac, lorsque nous vîmes sur la route de l'église, au milieu d'un nuage de poussière, une voiture qui venait à toute vitesse. C'était notre compagnon qui nous arrivait heureusement, et qui put prendre sa route avec nous...
Imagination, maîtresse d'erreur, selon Pascal. Montaigne, de même, parlant de ceux qui croient voir ce qu'ils ne voient point , nous ramène au centre de la notion, et nous en découvre toute l'étendue selon ce qu'exige le langage commun. Car, si l'on entend ce mot selon l'usage, l'imagination n'est pas seulement, ni même principalement, un pouvoir contemplatif de l'esprit, mais surtout l'erreur et le désordre entrant dans l'esprit en même temps que le tumulte du corps. Comme on peut voir dans la peur, où les effets de l'imagination, si connus, tiennent d'abord à des perceptions indubitables du corps propre, comme contracture, tremblement, chaleur et froid, battements du c¿ur, étranglement, alors que les images des objets supposés qui en seraient la cause sont souvent tout à fait indéterminées, et toujours évanouissantes, entendez que l'attention les dissipe et qu'elles se reforment comme derrière nous...
Un Anglais de bonne famille et une jeune fille d'Évolène, en Valais, se rencontrent et se plaisent. Amoureux l'un de l'autre, ils décident de se marier. Mais, le jour du mariage, la mère du jeune homme arrive à la cérémonie... Elle n'est pas disposée à accepter cette union.
Mon cher ami, j'ai résolu de vous écrire quelques lettres concernant la philosophie de Kant. Pourquoi ? Ce n'est pas que je juge que vous ayez trop peu lu cet auteur. Je ne crois pourtant pas que vous l'ayez lu assez ni que personne l'ait lu assez. Et cela se comprend ; car la philosophie de Kant n'apporte dans l'histoire des doctrines rien de nouveau. Bergson a dit, assez astucieusement: Ce n'est qu'un Platonisme à peine renouvelé . On peut partir de là. À mes yeux, Kant a justement les vertus de Platon ; il ne nous occupe pas de son système, mais pourtant il exerce sur nos pensées une énergique action. Il se peut que beaucoup lui tiennent rigueur de cela même. C'est qu'en effet Kant nous apporte les idées de tout le monde...
Il est encore de bon ton, en 1925, de parler de l'aveuglement des pacifistes. Le Prologue d'avant-guerre, qui ouvre ce livre, montrera dans le détail une pensée qui cherchait la paix, indiquait les moyens de garder la paix, et montrait comment la politique contraire préparait et amenait la guerre de 1914. On trouvera, dans les dernières pages de ce prologue, sur la guerre ruineuse pour tous et l'inutilité de la haine, des idées tellement vérifiées aujourd'hui par l'expérience qu'elles sont devenues lieux communs. On voudra bien se rappeler qu'en 1914, ces idées étaient des paradoxes, dangereux à soutenir...
Quelques-uns de mes lecteurs ont souvent regretté de ne trouver ni ordre ni classement dans les courts chapitres que j'ai publiés jusqu'ici. Ayant eu des loisirs forcés par le malheur et les hasards de ces temps-ci, j'ai voulu essayer si l'ordre ne gâterait pas la matière. Et, comme je ne voyais pas de raison qui me détournât d'aborder même les problèmes les plus arides, à condition de n'en dire que ce que j'en savais, il s'est trouvé que j'ai composé une espèce de Traité de Philosophie. Mais comme un tel titre enferme trop de promesses, et que je crains par-dessus tout d'aller au delà de ce qui m'est familier, par cette funeste idée d'être complet, qui gâte tant de livres, j'ai donc choisi un titre moins ambitieux...
Il y eut entre Socrate et Platon une précieuse rencontre, mais, disons mieux, un choc de contraires, d'où a suivi le mouvement de pensée le plus étonnant qu'on ait vu. C'est pourquoi on ne peut trop marquer le contraste entre ce maître et ce disciple. La vie de Socrate fut celle du simple citoyen et du simple soldat, telle qu'elle est partout. On sait qu'il n'était point beau à première vue. L'illustre nez camus figure encore dans les exemples d'Aristote...
Un homme qui philosophait de la bonne manière, c'est-à-dire pour son propre salut, me vint conter un jour une vision qu'il avait eue, et qui, disait-il, lui expliquait une longue suite d'erreurs énormes, et qui sont peut-être toutes vraies. Il se trouvait donc en wagon, laissant errer ses yeux sur un paysage de collines, lorsqu'il vit sur une des pentes, et grimpant vers un village, un monstre à grosse tête, muni de puissantes ailes et qui se portait rapidement sur plusieurs paires de longues pattes ; enfin de quoi effrayer. Ce n'était qu'une mouche sur la vitre. Ce court moment de l'erreur et de la croyance l'enchanta. La vérité, disait-il, nous trompe sur nous-mêmes ; l'erreur nous instruit bien mieux...
... Depuis les siècles anciens, où les métallurgistes de l'Asie-Mineure, suivant la fable et suivant la réalité, changeaient en fer, et par suite en or, la terre ocreuse qui sur tout le globe constitue la mine de fer, on sait qu'une pierre ferrugineuse, un véritable minerai de fer, a la propriété d'attirer et de retenir ce métal. Cette qualité, la plus occulte de toutes les propriétés physiques après celle qui produit la pesanteur, étant suivie d'âge en âge, nous offre le plus intéressant combat entre la science et l'ignorance, entre l'énigme proposée par la nature au génie de l'homme et la sagacité persévérante de celui-ci...
Ce recueil est formé de traductions du grec et d'études ou de fragments d'études concernant la pensée grecque. Deux de ces études sont des articles que Simone Weil publia dans des revues. Les autres textes sont tirés de ses cahiers.
Le moment depuis longtemps prévu est arrivé, où le capitalisme est sur le point de voir son développement arrêté par des limites infranchissables. De quelque manière que l'on interprète le phénomène de l'accumulation, il est clair que capitalisme signifie essentiellement expansion économique et que l'expansion capitaliste n'est plus loin du moment où elle se heurtera aux limites mêmes de la surface terrestre. Et cependant jamais le socialisme n'a été annoncé par moins de signes précurseurs. Nous sommes dans une période de transition ; mais transition vers quoi ? Nul n'en a la moindre idée...
... Il me semble que la volonté de Dieu n'est pas que j'entre dans l'Église présentement. Car, je vous l'ai déjà dit, et c'est encore vrai, l'inhibition qui me retient ne se fait pas moins fortement sentir dans les moments d'attention, d'amour et de prière que dans les autres moments. Et cependant j'ai éprouvé une très grande joie à vous entendre dire que mes pensées, telles que je vous les ai exposées, ne sont pas incompatibles avec l'appartenance à l'Église, et que par suite je ne lui suis pas étrangère en esprit...
La chaleur et l'humidité, ou plus poétiquement le feu et l'eau, voilà la fertilité. Cette fertilité pour les plantes se traduit immédiatement en populations d'espèces animales, en passant des animaux qui se nourrissent de végétaux à ceux qui se nourrissent d'autres animaux. Dans les races supérieures, tout le monde connaît les herbivores et les carnassiers ; c'est donc en définitive la production des végétaux qui est la base et le régulateur de la vie sur toute la terre...
Si récentes qu'elles soient sur la terre, les créatures pensantes aspirent à connaître les origines de la grande nature qui les a précédées et les environne. Les philosophes ont longuement discuté sur le développement des êtres. Il est utile qu'à leur tour les paléontologistes apportent leur avis ; car les philosophes n'ont présenté que des vues de leur esprit ; ils n'ont pas eu de bases objectives. Pour saisir l'histoire du monde animé, il faut interroger les êtres fossiles...
... Les occupants de la pension de famille n'en tiennent pas compte. Ce n'est pas de lui qu'ils se défendent. Ils ont mis, d'instinct, l'accent sur Isabelle, sa femme. C'est elle qui crée le remous, le danger. C'est elle qui a la démarche des romanichelles, le genou qui repousse impatiemment la jupe, le menton levé, l'aplomb du dos qui rejette au néant ce qu'il laisse derrière lui. Et ses mains trop vives, toujours en mouvement, n'ont-elles jamais tordu le cou à des poulets, escamoté des montres ?...
¿ Es ist ein freundliches, Wohlhabenheit verratendes Wohnzimmer, in welches uns dieses Vorwort führt.Der in der Mitte stehende Tisch war ganz mit Blumentöpfen und Sträußen in Gläsern besetzt, ferner lagen einige geöffnete Briefe darauf, ein paar Strümpfe, eine Briefmappe und andere Sachen - also war es wohl ein Geburtstagstisch, den man bis jetzt, bis zum späten Abend, noch nicht abgeräumt hatte.Neben dem Seitentischchen, auf dem die Petroleumlampe brannte, stand ein verstellbarer Krankenwagen, und in demselben saß mit verhüllten Füßen ein vierzehnjähriger Knabe. Sein Gesicht mit der hohen Stirn und den großen, klugen Augen war leidend und farblos, und an dem Wagen lehnten zwei Krücken..."
Ce livre est composé avec le contenu des derniers cahiers de Simone Weil. Ce sont, comme on le verra, en majeure partie, des pensées, des ébauches d'¿uvres, des notes de lecture, mais aussi quelques bibliographies et des citations. Il y a sept cahiers et un carnet. Les cahiers sont de la période qui va du départ de Marseille pour le Maroc le 17 mai 1942, au départ des États-Unis pour l'Angleterre le 10 novembre 1942.
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