Bag om Tartarin sur les Alpes
" Le 10 août 1880, à l¿heure fabuleuse de ce coucher de soleil sur les Alpes, si fort vanté par les guides Joanne et Baedeker, un brouillard jaune hermétique, compliqué d¿une tourmente de neige en blanches spirales, enveloppait la cime du Rigi (Regina montium) et cet hôtel gigantesque, extraordinaire à voir dans l¿aride paysage des hauteurs, ce Rigi-Kulm vitré comme un observatoire, massif comme une citadelle, où pose pour un jour et une nuit la foule des touristes adorateurs du soleil. En attendant le second coup du dîner, les passagers de l¿immense et fastueux ca- ravansérail, morfondus en haut dans les chambres ou pâmés sur les divans des salons de lecture dans la tiédeur moite des calorifères allumés, regardaient, à défaut des splendeurs promises, tournoyer les petites mouchetures blanches et s¿allumer devant le perron les grands lampadaires dont les doubles verres de phares grinçaient au vent. Monter si haut, venir des quatre coins du monde pour voir cela... Ô Baede- ker !...
Soudain quelque chose émergea du brouillard, s¿avançant vers l¿hôtel avec un tintement de ferrailles, une exagération de mouvements causée par d¿étranges accessoires.
À vingt pas, à travers la neige, les touristes dés¿uvrés, le nez contre les vitres, les misses aux curieuses petites têtes coiffées en garçons, prirent cette apparition pour une vache égarée, puis pour un rétameur chargé de ses ustensiles."
Vis mere