Bag om Albert
... Jaloux comme Othello, d'une jalousie cependant qu'il laissait à peine deviner, concentrée, rongeante, empoisonneuse, plus occupé à se prouver l'indignité de celle qu'il considéra toujours comme une faiblesse, qu'à jouir consciencieusement des félicités dont le sort lui offrait en libéral de débordantes coupes, inquiet, anxieux, sombre, Albert ne savait ni s'abandonner à l'insouciance, cette compagne obligée de la débauche, ni se sortir assez de lui-même pour ne jamais considérer les choses que sous leur attrait objectif et embrasser éperdument les évènements sans leur rester subjectivement extérieur. Tantôt, il gisait abattu par une tristesse noire, regrettant ce qu'il avait abandonné pour suivre le fantôme de la folie. Tantôt, il s'excitait à une gaieté artificielle, buvait, chantait, déshabillait sa femme et lui mordait les seins, avec de fauves regards et des étreintes désordonnées. Inégal de tempérament, nerveux par essence, en toute volupté se glissait pour lui comme un venin; il n'avait la plénitude de rien, et les plus divins instants étaient inexorablement souillés des perfides et sataniques injections de la mélancolie. Ah! s'il avait réellement aimé! Mais l'amour lui était interdit: car l'amour se donne, et Albert n'avait pas la faculté de se donner, plié sur lui-même comme un porte-feuille, qui, bourré de notes et de documents, gémit, crie, crie, éclate, sans livrer un seul de ses secrets...
Vis mere