Chroniques du temps volé

Le tableau de couverture de ce recueil de nouvelles insulaires est Insula Dulcamara (1938) de Paul Klee. Initialement intitulé l'île de Calypso, il résume dans ses signes formels épurés (le serpent qui entoure un visage hagard, des signes de la calligraphie arabe, des baies disséminées de la plante toxique solanum dulcamara ), le mirage doux et amer de l'origine qui a présidé à la découverte, depuis plus de deux siècles, des mers du Sud de la part des voyageurs occidentaux. La figure un peu floue du spectateur dans un musée, veut montrer le regard de l'homme contemporain, indécis entre la hâte de l'approche qui jette un rapide coup d'oeil sur la réalité et la fuite devant les images du monde, craintif de la force d'éveil de l'oeuvre d'art. Ces nouvelles essaient, comme la peinture en général, de s'attarder devant la présence énigmatique des choses, au lieu de cligner simplement des yeux. Tempo rubato est un terme musical qui indique une augmentation ou une diminution du tempo à l'intérieur d'une phrase musicale, mouvement conduit selon une certaine liberté de la part de l'interprète. Il signale une altération du rapport entre les notes écrites et celles jouées, il peut être entendu comme la différence entre la vie et l'écriture, entre l'oeuvre d'art et l'existence, selon les termes de Daniel Pennac: Le temps de lire est toujours du temps volé. Tout comme le temps d'écrire, d'ailleurs, ou le temps d'aimer.