Bag om La Devise des Cruentaz
Il m'est arrivé quelquefois, quand le hasard de mes destinées me replaçait au milieu des conditions paisibles et régulières de cette vie, quand j'étais le soir, au milieu d'une ville, dans quelque pièce bien close d'une maison bien hantée, au coin du feu, entouré de visages souriants, de tomber dans une singulière rêverie. Je songeais à la grande, à l'éternelle, à la mystérieuse existence qui se poursuit tout autour des espaces étroits où se pressent les fourmilières humaines; je laissais mes pensées s'envoler vers ces êtres imposants et muets dont j'ai longtemps préféré l'aspect à celui de mes semblables. Je revoyais les flots qui m'ont porté tant de fois aux lieux où m'ont poussé les vouloirs d'un destin bizarre et violent, ces montagnes qui m'ont caché quand mon âme était audacieuse et sauvage comme elles, ces arbres dont les poses de géants révoltés flattaient les emportements désespérés de ma jeunesse. Je me disais: Ils existent encore, tous ces objets vivants d'une attrayante et redoutable vie dont j'ai été le compagnon. A l'heure qu'il est, arbres, montagnes et flots resplendissent dans les clartés nocturnes de leur beauté souveraine. Qui peut m'enchaîner loin de ce monde avec qui j'ai fait une si puissante et si solennelle amitié?
Vis mere