Bag om La Musique dans les villes rhénanes
"... Goethe, aussi bien que Mozart, a hésité pendant quelque temps s'il donnerait son génie à la France ou à l'Allemagne, sa patrie. Né à Francfort, étudiant à Strasbourg, Goethe eut la velléité de s'essayer dans la langue de Corneille et de Racine, ignorant encore à quelle grande révolution littéraire il devait donner le branle dans son pays. Qu'eût-il fait, ce profond et vaste génie, s'il eût franchi le Rubicon qui sépare les deux races et mis le pied dans le royaume de Voltaire ? Il n'est pas trop hardi de répondre qu'il eût manqué à sa destinée. Il n'aurait pas écrit ses poésies lyriques, petits chefs-d'oeuvre de science et de sentiment, d'amour et de raison, de libre inspiration contenue dans une forme exquise, où la légende s'enroule comme une plante grimpante autour de la vérité. Il aurait perdu en France ce sentiment de la nature qui est le propre de la race allemande; il n'aurait conçu ni achevé l'épopée philosophique de Faust, pas plus que Mozart n'aurait composé à Paris Don Juan, les Nozze di Figaro et le Requiem. Heureusement pour l'Allemagne et pour la grande poésie, Goethe et Mozart ont eu peur de la moquerie française, et ils sont restés sur la rive droite du grand fleuve qui sépare les deux races..."
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