Bag om La Traversée de la Manche
La distance de Paris à Londres se franchit actuellement en sept heures et demie. Le chevalier de Grammont y mettait trois jours, rapidité dont s'émerveillait la cour d'Angleterre. Il y a donc progrès. Mais ce n'est pas encore assez, paraît-il, pour l'époque affairée où nous sommes. Arrêt à Calais, embarquement, traversée, débarquement à Douvres, tout cela emploie, au bas mot, une heure trois quarts à deux heures. Trente et quelques minutes suffiraient cependant si les rails du Nord joignaient sans interruption ceux du South-Eastern, sans compter la suppression de l'odieux mal de mer. Puis, l'imagination aidant, les esprits enthousiastes et généreux, - il y en a beaucoup, - voient dans l'union des deux rives du détroit, non-seulement une grande oeuvre comme celles dont notre siècle est coutumier, mais aussi un progrès vers la fusion des races et la fraternité des peuples, tandis que d'autres, à visées moins hautes, en attendent une nouvelle activité pour le commerce, une augmentation du mouvement des affaires. Pour remplacer le navire, l'aérostat n'est pas encore prêt. Souvent promise, récemment encore annoncée comme prochaine, par de véritables savants, que séduit, sans doute, la difficulté du problème, la direction des ballons reste une question à l'étude. Blanchard et Jeffreys ont bien pu, en 1784, venir heureusement, suspendus à leur frêle montgolfière, du château de Douvres à la forêt de Guines: semblable entreprise, l'année suivante, coûta la vie à Pilaire de Rozier, et ces hardis navigateurs des airs n'ont eu depuis que de rares imitateurs. Pont ou tunnel, telles sont les deux routes entre lesquelles voudraient choisir ceux qui, aujourd'hui, trouvent le navire insuffisant. Passera-t-on au-dessus ou au-dessous de ces flots dont on dédaigne les services, dont on veut esquiver la fureur, ou plus simplement, la trop fréquente maussaderie ?...
Vis mere