Bag om Le dernier mot de Rocambole, Tome I
Extrait chapitre I Paris a des nuits effrayantes de silence et d'obscurité. Le brouillard estompe les toits, une pluie fine rend le pavé glissant, le vent courbe la flamme des réverbères, et la Seine coule silencieuse entre ses deux rives de pierres. Nul passant sur les quais, nulle voiture sur les ponts. La grande ville se tait, les honnêtes gens ont fermé leurs portes, le monde des voleurs respire et s'apprête à ses expéditions ténébreuses. Qu'importe que le boulevard vive encore à une heure du matin, tout resplendissant des lumières de sa guirlande de cafés bruyants ? De ce côté-ci, au bord de l'eau, le silence est si grand qu'on dirait une nécropole. Il est un endroit sinistre où un des bras de la Seine étranglé entre deux hautes murailles, passe avec des tentations vertigineuses pour ceux qui songent au suicide. Canal plutôt que fleuve, eau dormante qui bouillonnait en amont et reprendra son cours rapide en aval, la Seine semble s'arrêter noire, profonde, mystérieuse, avec des secrets de mort étranges, entre les deux bâtiments de l'Hôtel-Dieu. Accoudez-vous un peu sur le parapet du pont de la Cité ou du pont de l'Archevêché; regardez-la couler entre ces deux asiles de souffrance, cette eau qui redeviendra limpide et bleue, là-bas, au delà des coteaux de Sèvres et de Saint-Cloud, et sa tranquillité sombre vous donnera le frisson. Vous qui cherchez l'oubli dans la mort, venez là vous qui hésitez à quitter la vie, venez encore. La folie du suicide vous montera au cerveau, après dix minutes de contemplation. Or, par une de ces nuits dont nous parlions tout à l'heure, un immense radeau, un train de bois, comme on dit, passait au fil de l'eau entre ces deux arches funestes, du pont de la Cité et du pont de l'Archevêché. Trois hommes assis à l'avant causaient tout bas. Un quatrième, à l'arrière du train, manoeuvrait un gouvernail primitif fait avec une longue poutre.
Vis mere