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Le voleur

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Le livre qu'on va lire, et que je signe, n'est pas de moi. Cette déclaration faite, on pourra supposer à première vue, à la lecture du titre, que le manuscrit m'en a été remis en dépôt par un ministre déchu, confié à son lit de mort par un notaire infidèle, ou légué par un caissier prévaricateur. Mais ces hypothèses bien que vraisemblables, je me hâte de le dire, seraient absolument fausses. Ce livre ne m'a point été remis par un ministre, ni confié par un notaire, ni légué par un caissier. Je l'ai volé. J'avoue mon crime. Je ne cherche pas à éluder les responsabilités de ma mauvaise action; et je suis prêt à comparaître, s'il le faut, devant le Procureur du Roi. (Ça se passe en Belgique.) Ça se passe en Belgique. J'avais été faire un petit voyage, il y a quelque temps, dans cette contrée si peu connue (je parle sérieusement). Ma raison pour passer ainsi la frontière Mon Dieu ! j'avais voulu voir le roi Léopold, avant de mourir. Un dada. Je n'avais jamais vu de roi. Quel est le Républicain qui ne me comprendra pas J'étais entré, en arrivant à Bruxelles, dans le Premier hôtel venu, l'hôtel du Roi Salomon. Je ne me fie guère aux maisons recommandées par les guides, et je n'avais pas le temps de chercher; il pleuvait. D'ailleurs, qu'aurais-je trouvé Je ne connais rien de rien, à l'étranger, n'ayant étudié la géographie que sur les atlas universitaires et n'étant jamais sorti de mon trou. Monsieur est sans doute un ami de M. Randal, me dit l'hôtelière comme je signe mon nom sur le registre. Non, Madame; je n'ai pas cet honneur. Tiens, c'est drôle. Je vous aurais cru son parent. Vous vous ressemblez étonnamment; on vous prendrait l'un pour l'autre. Mais vous le connaissez sans aucun doute; dans votre métier... Quel métier Mais à quoi bon détromper cette brave femme Du reste, ajoute-t-elle en posant le doigt sur le livre, vous avez le même prénom; il s'appelle Georges comme vous savez, Georges Randal Eh ! bien, puisque vous le connaissez, je vais vous donner sa chambre; il est parti hier et je ne pense pas qu'il revienne avant plusieurs jours. C'est la plus belle chambre de la maison; au premier; voulez-vous me suivre ... Là ! Une jolie chambre, n'est-ce pas J'ai vu des dames me la retenir quelquefois deux mois à l'avance. Mais à présent, savez-vous, il n'y a plus grand monde ici. Ces messieurs sont à Spa, à Dinan, à Ostende, ou bien dans les villes d'eaux de France ou d'Allemagne; partout où il y a du travail, quoi ! C'est la saison. Et puis, ils ne peuvent pas laisser leurs dames toutes seules; les dames, savez-vous, ça fait des bêtises si facilement... Un mot encore. Je me suis efforcé, en écrivant ce livre, de croire à la possibilité, pour la France, d'un relèvement réel; j'ai tenté de me donner la vision d'une Révolution prestigieuse illuminant les rues de ce Paris qui s'est prostitué à la tourbe nationaliste et qu'on vient de déshonorer d'une croix d'honneur. Ce sont des choses que je ne peux plus croire, que je ne peux plus voir, à présent. Je n'ose pas dire ce que je crois, ni ce que je vois; je n'ose pas dire: Vive la France de demain ! Je persiste à crier, seulement: À bas la France d'aujourd'hui !

Vis mere
  • Sprog:
  • Fransk
  • ISBN:
  • 9781496021755
  • Indbinding:
  • Paperback
  • Sideantal:
  • 194
  • Udgivet:
  • 22. februar 2014
  • Størrelse:
  • 216x280x10 mm.
  • Vægt:
  • 463 g.
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Beskrivelse af Le voleur

Le livre qu'on va lire, et que je signe, n'est pas de moi. Cette déclaration faite, on pourra supposer à première vue, à la lecture du titre, que le manuscrit m'en a été remis en dépôt par un ministre déchu, confié à son lit de mort par un notaire infidèle, ou légué par un caissier prévaricateur. Mais ces hypothèses bien que vraisemblables, je me hâte de le dire, seraient absolument fausses. Ce livre ne m'a point été remis par un ministre, ni confié par un notaire, ni légué par un caissier. Je l'ai volé. J'avoue mon crime. Je ne cherche pas à éluder les responsabilités de ma mauvaise action; et je suis prêt à comparaître, s'il le faut, devant le Procureur du Roi. (Ça se passe en Belgique.) Ça se passe en Belgique. J'avais été faire un petit voyage, il y a quelque temps, dans cette contrée si peu connue (je parle sérieusement). Ma raison pour passer ainsi la frontière Mon Dieu ! j'avais voulu voir le roi Léopold, avant de mourir. Un dada. Je n'avais jamais vu de roi. Quel est le Républicain qui ne me comprendra pas J'étais entré, en arrivant à Bruxelles, dans le Premier hôtel venu, l'hôtel du Roi Salomon. Je ne me fie guère aux maisons recommandées par les guides, et je n'avais pas le temps de chercher; il pleuvait. D'ailleurs, qu'aurais-je trouvé Je ne connais rien de rien, à l'étranger, n'ayant étudié la géographie que sur les atlas universitaires et n'étant jamais sorti de mon trou. Monsieur est sans doute un ami de M. Randal, me dit l'hôtelière comme je signe mon nom sur le registre. Non, Madame; je n'ai pas cet honneur. Tiens, c'est drôle. Je vous aurais cru son parent. Vous vous ressemblez étonnamment; on vous prendrait l'un pour l'autre. Mais vous le connaissez sans aucun doute; dans votre métier... Quel métier Mais à quoi bon détromper cette brave femme Du reste, ajoute-t-elle en posant le doigt sur le livre, vous avez le même prénom; il s'appelle Georges comme vous savez, Georges Randal Eh ! bien, puisque vous le connaissez, je vais vous donner sa chambre; il est parti hier et je ne pense pas qu'il revienne avant plusieurs jours. C'est la plus belle chambre de la maison; au premier; voulez-vous me suivre ... Là ! Une jolie chambre, n'est-ce pas J'ai vu des dames me la retenir quelquefois deux mois à l'avance. Mais à présent, savez-vous, il n'y a plus grand monde ici. Ces messieurs sont à Spa, à Dinan, à Ostende, ou bien dans les villes d'eaux de France ou d'Allemagne; partout où il y a du travail, quoi ! C'est la saison. Et puis, ils ne peuvent pas laisser leurs dames toutes seules; les dames, savez-vous, ça fait des bêtises si facilement... Un mot encore. Je me suis efforcé, en écrivant ce livre, de croire à la possibilité, pour la France, d'un relèvement réel; j'ai tenté de me donner la vision d'une Révolution prestigieuse illuminant les rues de ce Paris qui s'est prostitué à la tourbe nationaliste et qu'on vient de déshonorer d'une croix d'honneur. Ce sont des choses que je ne peux plus croire, que je ne peux plus voir, à présent. Je n'ose pas dire ce que je crois, ni ce que je vois; je n'ose pas dire: Vive la France de demain ! Je persiste à crier, seulement: À bas la France d'aujourd'hui !

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