Bag om Les italiens d'aujourd'hui
Il ne faudrait pas visiter Rome. Il faudrait l'habiter, la contempler à ses heures de suprême beauté, lui dire des mots d'amour dont une ville a l'air de sourire comme une femme. Et ce sont là des moments rares, imprévus, que les guides sont impuissants à préparer, dont la douceur prend l'âme, tout au fond. Tenez, vous revenez, par exemple, un soir, d'une course lointaine à quelque ruine, avec la lassitude de l'histoire, des notes érudites, de tout l'appareil destiné à soulever notre admiration et qui la tue le plus souvent; vous revenez, c'est le crépuscule. Les vapeurs montent de la vaste plaine, et sont rouges au couchant. Vous suivez une rue sombre, et vous levez les yeux. Devant vous, la colline est en pleine lumière, barrée de hautes façades jaunes, groupe étagé de palais dont chacun est une merveille de grandeur, dont l'ensemble est un chef-d'oeuvre de fantaisie, et que tache çà et là un petit cyprès noir ou la gerbe d'un palmier. Vous vous retournez: derrière il n'y a plus que des ombres bleues, des toits de maisons qui ne sont que de longues lignes d'azur, des courbes infiniment pures de coupoles, s'enlevant sur le ciel qui est léger, couleur d'or pâle, pareil aux auréoles byzantines. La rue est silencieuse. Rome fait peu de bruit. Oh ! comme alors on subit l'ensorcellement de cette ville unique, comme on comprend les peintres, ou les âmes fatiguées et rêveuses, qui sont venues à Rome pour trois semaines, et ne l'ont plus quittée ! Vraiment, j'ai senti, à la revoir, que j'aimais Rome pour la première fois. Mais dire pourquoi et de quels éléments cet amour est formé je ne le saurais pas. Il y entre, comme dans tous les amours, une part d'inexplicable. (Extrait du livre)
Vis mere