Bag om Lucie Rodey
I - Es-tu bien sûre de l'aimer, Lucie ? bien sûre ? Prends garde de te tromper, ton erreur serait irréparable. La jeune fille sourit sans lever les yeux: l'orgueil naïf de son sourire répondit pour elle. - Tu l'aimes ? ne crains pas de me le dire; il faut savoir regarder bravement dans son coeur; il n'y pas de honte à avouer que l'on aime l'homme qui veut vous épouser. Tu l'aimes ? Lucie leva sur sa mère son honnête regard, et le visage couvert de rougeur, mais sans hésiter, elle répondit: Je l'aime. - Assez pour supporter avec lui les chagrins de la vie ? pour être heureuse de sa joie, triste de son chagrin, pour le consoler et le soutenir s'il se laisse abattre ? assez pour supporter sa mauvaise humeur, son injustice même, sans cesser de l'estimer pour les défauts qu'il pourrait avoir ? Lucie secoua doucement la tête; à dix-huit ans, peut-on admettre que l'homme qui vous aime sera un jour injuste envers vous ? - L'aimeras-tu quand il sera malade, peut-être infirme, peut-être ruiné ? S'il meurt avant toi, lui fermeras-tu les yeux avec courage, trouvant une amère douceur à penser que tu as la plus rude part, celle de ceux qui restent, et que le chagrin de te perdre lui a été épargné ? Les yeux de la veuve débordèrent de larmes, sa voix se brisa; Lucie se jeta à son cou en pleurant elle-même.
Vis mere