Bag om Santa-Rosa
... Je suis une de ces âmes; mes relations avec Santa-Rosa ont été bien courtes, mais intimes. Plus d'une fois j'ai été tenté d'écrire sa vie, cette vie moitié romanesque, moitié héroïque; j'y ai renoncé. Je ne viens point disputer à l'oubli le nom d'un homme qui a manqué sa destinée; mais, plusieurs personnes, et vous en particulier, qui portez un intérêt pieux à sa mémoire, vous m'avez souvent demandé de vous raconter par quelle aventure moi, professeur de philosophie, entièrement étranger aux évènements du Piémont, j'avais été lié si étroitement avec le chef de la révolution piémontaise, et quels ont été mes rapports véritables avec votre cher et infortuné compatriote. Je viens faire ce que vous désirez. Je m'abstiendrai de toutes considérations générales, politiques et philosophiques. Il ne s'agira que de lui et de moi. Ce n'est point ici une composition historique, c'est un simple tableau d'intérieur tracé pour quelques amis fidèles, pour réveiller quelques sympathies, réchauffer quelques souvenirs, et servir de texte à quelques tristes conversations dans un cercle de jour en jour plus resserré. Le public, je le sais, est indifférent et doit l'être à ces détails tout-à-fait domestiques entre deux hommes dont l'un est depuis longtemps oublié et l'autre le sera bientôt; mais dans cette longue maladie qui me consume, et dans la sombre inaction à laquelle elle me condamne, j'éprouve un charme mélancolique à revenir sur ces jours à jamais évanouis; j'aime à rattacher ma vie languissante à cet épisode animé de ma jeunesse. J'évoque un moment devant moi l'ombre de notre ami avant d'aller le rejoindre: tristes pages écrites, pour ainsi dire, entre deux tombeaux et destinées elles-mêmes à mourir entre vos mains...
Vis mere