Bag om Sodome et Gomorrhe
Extrait: ...cette assertion. Par routine, defaut d'imagination, incuriosite d'une region qui semble rebattue parce qu'elle est si voisine, les Cambremer ne sortaient de chez eux que pour aller toujours aux memes endroits et par les memes chemins. Certes ils riaient beaucoup de la pretention des Verdurin de leur apprendre leur propre pays. Mais, mis au pied du mur, eux, et meme leur cocher, eussent ete incapables de nous conduire aux splendides endroits, un peu secrets, ou nous menait M. Verdurin, levant ici la barriere d'une propriete privee, mais abandonnee, ou d'autres n'eussent pas cru pouvoir s'aventurer; la descendant de voiture pour suivre un chemin qui n'etait pas carrossable, mais tout cela avec la recompense certaine d'un paysage merveilleux. Disons, du reste, que le jardin de la Raspeliere etait en quelque sorte un abrege de toutes les promenades qu'on pouvait faire a bien des kilometres alentour. D'abord a cause de sa position dominante, regardant d'un cote la vallee, de l'autre la mer, et puis parce que, meme d'un seul cote, celui de la mer par exemple, des percees avaient ete faites au milieu des arbres de telle facon que d'ici on embrassait tel horizon, de la tel autre. Il y avait a chacun de ces points de vue un banc; on venait s'asseoir tour a tour sur celui d'ou on decouvrait Balbec, ou Parville, ou Douville. Meme, dans une seule direction, avait ete place un banc plus ou moins a pic sur la falaise, plus ou moins en retrait. De ces derniers, on avait un premier plan de verdure et un horizon qui semblait deja le plus vaste possible, mais qui s'agrandissait infiniment si, continuant par un petit sentier, on allait jusqu'a un banc suivant d'ou l'on embrassait tout le cirque de la mer. La on percevait exactement le bruit des vagues, qui ne parvenait pas au contraire dans les parties plus enfoncees du jardin, la ou le flot se laissait voir encore, mais non plus entendre. Ces lieux de repos...
Vis mere