Bag om Victor Cousin
Nulle force n'est superflue dans la lutte sociale engagée sous nos yeux, et le moment serait mal pris pour ranimer de vieilles querelles. Qu'hier les intérêts matériels, s'assurant en leur propre vitalité, parussent se soucier médiocrement des principes et sourire des théories; que la religion, s'armant de griefs que nous ne jugeons pas, en fût arrivée à traiter d'empiétement la tentative purement humaine d'instruire les esprits, cela pouvait à la rigueur se comprendre. C'est le propre de tous les principes de combattre pour la suprématie aussitôt qu'ils n'ont plus à combattre pour l'indépendance. Aujourd'hui, nous serions fort à plaindre si nous ne sentions l'inopportunité, le danger de tels dédains, de tels débats. Les intérêts, la religion, la pensée même, la pensée surtout, suis-je tenté de dire, toutes les fois qu'elle n'arrive pas aux conclusions obligées du nouvel évangile, sont placés sous le coup de la même menace. La communauté des attaques doit au moins servir à révéler à toutes les âmes honnêtes, à tous les esprits justes, l'union intime d'éléments divers dont le plus grand tort était de se croire ennemis sur la foi d'une vaine apparence. La révolution a eu pour effet salutaire d'affaisser pour ainsi dire les surfaces trompeuses sur lesquelles se dressaient des tentes rivales, et qui cachaient l'abîme sous les pas de la société abusée; elle a eu cela de bon de montrer à nu les trois ou quatre grandes racines entrelacées de la civilisation moderne: ce n'est pas un rameau isolé, c'est l'arbre tout entier qui a frémi au coup de cognée des niveleurs. Si l'industrie souffre, la pensée souffre-t-elle moins ? Si le christianisme se plaint de ses enseignements délaissés, l'esprit libéral de nos pères, l'esprit du cartésianisme et de la révolution française, que les sectes contemporaines prétendent continuer, mais auquel en réalité elles tournent le dos, est-il moins malade ? ...
Vis mere