Bag om LE CARILLONNEUR
La Grande Place de Bruges, ordinairement déserte, traversée par de rares passants, des enfants pauvres à la dérive, un peu de prêtres ou de béguines, s¿imagea soudain de groupes indécis, d¿îlots noirs tachant l¿étendue grise. Des rassemblements se formaient.
On avait fixé pour le premier lundi d¿octobre, à quatre heures, le concours de carillonneurs. La fonction de carillonneur de la ville se trouvait vacante par le décès du vieux Bavon De Vos, qui l¿occupa avec honneur durant vingt années. Il y avait lieu d¿y pourvoir aujourd¿hui, selon la coutume, par un concours public, où le peuple serait, pour ainsi dire, appelé à décider lui- même en acclamant par avance le vainqueur. C¿est pourquoi, on avait choisi le lundi, tout travail cessant à midi, ce jour-là de la semaine, qui de la sorte participait encore de la vacance du dimanche. Ainsi, le choix pourrait être vraiment populaire et unanime. N¿était-il pas juste que le carillonneur fût élu ainsi ? Le carillon, en effet, est la musique du peuple. Ailleurs, dans les capitales ardentes, c¿est le feu d¿artifice qui constitue la fête publique, le don féerique dont s¿exaltent les âmes. En ces Flandres méditatives, parmi les brumes humides et rebelles aux prestiges du feu, le carillon en tient lieu. C¿est un feu d¿artifice qüon écoute. Gerbes, fusées, lueurs, mille étincelles de sons, dont l¿air aussi se colore, pour des yeux visionnaires que l¿ouïe avertit.
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