Bag om LA VEUVE
Madame,
Le bon accueil qüautrefois cette Veuve a reçu de vous l¿oblige à vous remercier, et l¿enhardit à vous demander la faveur de votre protection. Étant exposée aux coups de l¿envie et de la médisance, elle n¿en peut trouver de plus assurée que celle d¿une personne sur qui ces deux monstres n¿ont ja- mais de prise. Elle espère que vous ne la méconnaîtrez pas pour être dé- pouillée de tous autres ornements que les siens, et que vous la traiterez aus- si bien qüalors que la grâce de la représentation la mettait en son jour. Pourvu qüelle vous puisse divertir encore une heure, elle trop contente, et se bannira sans regret du théâtre pour avoir une place dans votre cabinet. Elle honteuse de vous ressembler si peu, et a de grands sujets d¿appréhender qüon ne l¿accuse de peu de jugement de se présenter devant vous, dont les perfections la feront paraître d¿autant plus imparfaite ; mais quand elle con- sidère qüelles en sont en un si haut point, qüon n¿en peut avoir de légères teintures sans des privilèges tout particuliers du ciel, elle se rassure entiè- rement, et n¿ose plus craindre qüil se rencontre des esprits assez injustes pour lui imputer à défaut le manque des choses qui sont au dessus des forces de la nature : en effet, madame, quelque difficulté que vous fassiez de croire aux miracles, il faut que vous en reconnaissiez en vous même, ou que vous ne vous connaissiez pas, puisqüil est tout vrai que des vertus et des qualités si peu commune que les vôtres ne sauraient avoir d¿autre nom. Ce n¿est pas mon dessein d¿en faire ici les éloges ; outre qüil serait superflu de particulariser ce que tout le monde sait, la bassesse de mon discours profa- nerait des choses si relevées. Ma plume est trop faible pour entreprendre de voler si haut ; c¿est assez pour elle de vous rendre mes devoirs, et de vous protester, avec plus de vérité que d¿éloquence, que je serai toute ma vie,
Vis mere